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n’était nullement nécessaire. À cette communication du secrétaire d’état de sa sainteté, le cardinal Fesch, qui devait plus tard se plaindre si amèrement d’avoir été tenu à l’écart, ne fit d’abord aucune objection. Il répondit qu’il comprenait très bien qu’en sa qualité, de ministre de France il ne pouvait assister à un conseil tenu pour délibérer sur l’acceptation ou le refus d’une demande faite par la France. Écrire aux cardinaux lui semblait inutile, pourvu qu’on leur communiquât la lettre de l’empereur, qui disait tout. Il préférait d’ailleurs s’entretenir de vive voix avec les membres du sacré-collège… Il y avait parmi eux un Français, le cardinal de Bayanne. Serait-il convoqué ? Le cardinal Consalvi prit le soin de faire remarquer que ce prince de l’église n’étant pas ambassadeur, il ne serait pas exclu de la réunion projetée[1]. L’ensemble de cette communication parut satisfaire entièrement le cardinal Fesch.

Au jour indiqué, le 6 mars 1806, la congrégation s’assembla devant le pape. Le ministre du saint-siège donna lecture de toutes les pièces relatives à l’affaire en question ainsi que de la lettre de l’empereur au sujet de laquelle on réclamait l’avis des cardinaux. On leur distribua ensuite une série de questions sur la lettre impériale, dont copie leur fut en même temps remise. Afin de laisser aux membres du sacré-collège le temps de bien réfléchir à une affaire si délicate, on les avertit qu’ils seraient de nouveau réunis deux jours plus tard dans une nouvelle congrégation. Ils devaient y apporter leurs décisions, mises par écrit. Pendant ces quarante-huit heures, l’ambassadeur de France eut encore la faculté de s’entretenir autant qu’il voudrait avec les membres du sacré-collège.

À cette seconde réunion, les cardinaux se trouvèrent au nombre de trente environ. Un seul vote fut favorable aux demandes de l’empereur Napoléon, c’était celui du cardinal de Bayanne. Tous les autres cardinaux estimèrent qu’il fallait sauvegarder à tout prix l’indépendance du saint-siège, parce qu’elle était intimement liée au bien de la religion (troppo strettamente commessa col bene della religione) ; « on devait donc répondre sans tergiverser et avec la plus grande netteté. » Le cardinal Consalvi avait parlé dans ce sens, mais seulement lorsque son tour était venu. Quant au pape, il avait gardé le silence jusqu’à la fin de la congrégation de peur d’influencer aucun vote. Lorsque les cardinaux eurent achevé d’opiner, élevant la voix à son tour, le pape se rangea à l’avis du sacré-collège. D’un accord unanime, on chargea le secrétaire d’état de rédiger la réponse à faire à Napoléon. Ce fut donc lui qui l’inspira ; mais, à la lire en son entier, il est difficile de ne pas supposer que Pie VII y mit aussi la main.

  1. Mémoires du cardinal Consalvi, t. II, p, 433.