Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/414

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le chef de l’église, remarque Consalvi (et tel était aussi le sentiment de Pie VII), ne peut aliéner son indépendance sans qu’aussitôt la religion n’en souffre cruellement en tous lieux… Décidé à répondre à Napoléon avec la plus entière franchise et à défendre l’indépendance et la liberté du saint-siège, ainsi qu’il y était tenu par son devoir et par ses sermens, Pie VII savait combien il serait dangereux pour cette indépendance et cette liberté de se servir de mots douteux ou trop mesurés en s’adressant à l’homme qui avait mis en avant de si étranges doctrines, et qui tirerait avantage de la moindre syllabe pour s’empresser de les déclarer admises et reconnues[1]. » La difficulté de la réponse à faire rendait ainsi d’autant plus nécessaire de recourir à l’assistance des membres du sacré-collège. Pie VII résolut de les convoquer tous.

Au lendemain du jour où il avait reçu la dépêche du cardinal. Fesch, c’est-à-dire le 3 mars 1806, le secrétaire d’état lui écrivit que c’était l’intention de sa sainteté de s’entendre directement avec sa majesté impériale sur l’objet de la note qui lui avait été remise la veille[2] ; mais cette détermination étant de nature à blesser le cardinal Fesch, qui sans doute s’était flatté de traiter lui-même cette question avec Pie VII, le cardinal Consalvi n’hésita point à se rendre de sa personne à la légation française pour lui expliquer plus au long la marche que Pie VII comptait suivre et comment les choses allaient se passer. Il lui exposa que dans une affaire de si grande importance le saint-père, avant de répondre à la lettre de l’empereur, désirait recueillir les opinions de tous les cardinaux, qu’il se proposait de réunir autour de lui. Il ne s’agissait que d’une simple congrégation et non d’un consistoire proprement dit, car dans un consistoire il faudrait convoquer le cardinal Fesch lui-même comme membre du sacré-collège, ce qui n’était point possible, puisqu’en sa présence la discussion ne serait pas libre. Jamais prince en effet, soumettant à son conseil la discussion d’une prétention élevée par une puissance étrangère, n’avait autorisé l’ambassadeur de cette cour à assister de sa personne à une séance de cette nature. Il n’y avait pas exemple qu’aucun souverain eût réclamé chose pareille. La lettre écrite par l’empereur au saint-père et la propre dépêche du cardinal Fesch seraient communiquées sous le sceau du secret à chacun des membres du sacré-collège. Si le cardinal Fesch désirait écrire ou parler aux cardinaux pendant les trois jours qui précéderaient la réunion, il en était parfaitement le maître. Sa manière de voir étant d’ailleurs parfaitement connue du pape, son intervention personnelle dans l’assemblée en question

  1. Mémoires du cardinal Consalvi, t. II, p. 429.
  2. Dépêche du cardinal Consalvi au cardinal Fesch, 3 mars 1806.