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1865, tous les ouvriers grecs, italiens, piémontais, qui formaient la majorité des travailleurs, évacuant les chantiers devant le fléau, retournèrent, précipitamment chez eux ; quelques mois après, rentrait dans l’isthme après la cessation de l’épidémie, ils amenaient un puissant renfort de bras recrutés par l’attrait du travail rémunérateur qu’ils étaient certains de trouver.

Rendu depuis un an environ, le firman approbatif du sultan est venu régler définitivement les conditions d’existence de la compagnie. Le vice-roi s’est en outre engagé à la même époque à solder dans le courant des trois années 1867,1868, 1869, par paiemens mensuels, l’indemnité fixée par l’arbitrage et payable en quinze annuités. Il est actuellement en possession des canaux d’eau douce, à charge de les entretenir et d’en laisser à la compagnie, jusqu’à l’achèvement du canal maritime, l’exploitation exclusive pour le service du transit entre Suez et la Méditerranée. En outre il a racheté le domaine de l’Ouady, vaste propriété de 10,000 hectares que la compagnie possédait et exploitait depuis cinq ans. Sa préoccupation parait donc avoir été, dans cette suite de transactions, d’enlever à cette société tout ce qui avait le caractère de possession territoriale. C’est là un avantage pour la compagnie, qui, dégagée du soin d’affaires accessoires, consacre désormais toutes ses forces vives, toutes ses ressources matérielles à l’œuvre finale, l’achèvement du canal maritime. A quelle époque, dans quelles conditions financières ce but sera-t-il atteint ? Tels sont les derniers points qui nous restent à examiner.

Les travaux accomplis jusqu’à ce jour, très irréguliers dans leur marche, sont représentés par 15 ou 20 millions de mètres cubes de déblais. Il reste environ 45 millions de mètres cubes à extraire ; mais, en présence de ce qui se passe aujourd’hui, ce chiffre n’a rien d’inquiétant : il nous aidera à donner, quant à la durée des opérations, une estimation de nature à satisfaire, nous le croyons, ceux qui ont foi dans l’entreprise. Ainsi qu’on vient de le dire, la suppression des corvées a amené une révolution dans le système des forces à employer ; la transformation et l’immense accroissement du matériel ont exigé deux années environ. Il n’y a guère que six mois que les nouveaux engins fonctionnent en assez grand nombre d’une façon régulière ; le reste ne sera prêt qu’en décembre prochain. Dès aujourd’hui cependant l’expérience du rendement est acquise, et c’est pour la première fois que l’on peut mathématiquement en quelque sorte déterminer le temps que mettront les machines à compléter leur tâche. Chaque drague travaillant en moyenne 20 jours sur 30 à cause des chômages nécessités par les réparations périodiques, et enlevant dans une journée de dix heures une moyenne de 1,000 mètres cubes, on évalue le