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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


tournée, quand le génie ne venait pas la vivifier. Au milieu de lieux communs très délayés sur les avantages de la concorde, il explique les dissentimens survenus dans l’église de Constantinople par l’intervention de Satan, et il avait bien raison ! Satan s’était glissé là, dans la communion du protecteur et du protégé, du chef et du subordonné, comme autrefois entre le Christ et Judas au banquet du Sauveur.

« La paix, dit-il, c’est le nom même du Christ, car l’apôtre nous dit : « Le Christ est notre paix, » c’est elle qui de deux choses ne fait qu’une tandis que par la jalousie du démon deux cœurs communs dans la foi se divisent et se combattent. Mais, comme à l’arrivée d’un roi, les rues et les carrefours se décorent avec magnificence, comme la ville entière se tapisse de soie et se couronne de fleurs afin que rien n’apparaisse qui ne soit digne de l’aspect royal, ainsi en ce moment où vient au milieu de nous le Christ, roi de la paix, écartons tout souvenir triste. Que le mensonge fuie devant la vérité, la guerre devant l’union des âmes. De même aussi que, dans les tableaux de nos villes où sont représentées les images des augustes frères qui nous gouvernent, l’artiste place derrière eux la Concorde en habit de femme qui les enceint de ses bras maternels, indiquant par là que, s’ils sont séparés de corps, ils ne le sont ni de sentiment, ni de volonté : ainsi maintenant la paix du Seigneur, assise au milieu de nous et nous étreignant contre son sein palpitant, force nos deux âmes à n’en faire qu’une seule en des corps séparés. Hier notre père commun, dans un discours où respire l’Évangile, nous offrait les préliminaires de la paix ; c’est la paix elle-même, c’est le traité que j’apporte aujourd’hui. Hier les mains levées vers le ciel, il nous recevait au nom de la paix, et c’est avec ses divins présens que nous allons au-devant du Seigneur, les bras ouverts et la poitrine dilatée : la guerre est détruite, c’est la paix qui règne. »

La paix était donc jurée au pied des autels entre les mains du peuple de Constantinople, juge et ratificateur : l’histoire témoigne que ce ne fut pas Chrysostome qui la rompit.

Ainsi se dissipa ce premier orage, orage d’avertissement et de menace pour l’archevêque, pour l’église, pour l’état. Au même moment, il s’en formait un second aux extrémités de l’empire d’Orient, non loin de la vallée du Nil, et un souffle ennemi de Chrysostome le poussait d’Alexandrie vers Constantinople. Celui-là portait dans ses flancs la ruine et la mort.