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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


être ainsi mis sous les pieds au gré d’un homme, dès que la discipline des églises n’appartenait plus aux clergés et aux synodes provinciaux ; l’empereur enfin put se demander si le droit du souverain dans la convocation des conciles et l’approbation des évêques était aboli. Il n’y avait pas eu d’autre souverain, d’autre juge disciplinaire, d’autre électeur pour un tiers des églises orientales que Chrysostome assisté de cette cour synodale composée par lui-même. De pareils procédés avaient déjà été employés par lui vis-à-vis des églises de Thrace. C’était l’omnipotence ecclésiastique dans l’empire. Quelque louables que soient les intentions d’un homme, quelle que soit la bonté des mesures qu’il prend sur lui d’exécuter, on ne fait jamais le bien tout seul, et pour qu’il soit accepté et fécond, il faut que tout le monde approuve les formes suivant lesquelles il s’accomplit. C’est ce qu’on ne tarda pas à reconnaître dans la circonstance présente :

L’année n’était pas encore écoulée que le justicier se voyait jugé à son tour et condamné par un concile.

1° Pour être sorti de sa juridiction, avoir envahi des églises étrangères et y avoir ordonné des évêques ;

2° Pour avoir déposé des ecclésiastiques sans les entendre ;

3° Pour avoir, sans l’assistance du synode local et sans consulter le clergé des églises, fait des ordinations désapprouvées par lui ;

4° Pour avoir (à son insu sans doute et par trop de précipitation) ordonné évêques des esclaves d’autrui, non encore affranchis et de plus entachés de crimes ;

5° Pour avoir été tout à la fois accusateur, témoin et juge dans le procès de plusieurs ecclésiastiques, entre autres dans celui de Proérèse, évêque de Lycie ;

6° Pour avoir ordonné, en violation des canons, plusieurs évêques en masse et quatre d’une seule fois.

Ces faits se reliaient en majeure partie aux affaires de l’Asie ; les évêques déposés, Gérontius en tête, se portaient ses accusateurs, tandis que les nouveaux nommés, chassés par les clergés locaux et les villes, étaient déposés à leur tour comme usurpateurs des siéges d’autrui.

V.

Ce voyage ne fut pas moins funeste à Chrysostome dans l’intérieur de sa propre église. En vain Sérapion lui écrivait-il lettre sur lettre, l’avertissant que Sévérien le trahissait et que sa présence devenait de jour en jour plus nécessaire pour sauver lui-même et son troupeau. Entraîné par le travail de réforme qu’il avait à cœur