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écoles, comme on disait, c’est-à-dire intendant des gymnases où s’élevaient les jeunes clercs ; le saint prêtre Germain, son compagnon inséparable dans la mauvaise fortune comme dans la bonne ; le très savant diacre et très obscur historien Philippe de Side et d’autres Orientaux encore. Il s’y joignait un Occidental, venu de la côte méditerranéenne des Gaules pour écouter Chrysostome, le servir et recevoir le diaconat de ses mains, Cassien, qui devait fonder à Marseille le célèbre monastère de Saint-Victor. C’étaient là de vrais amis, en communauté d’austérités et de doctrine avec l’archevêque, en communauté non moins étroite de sentimens, mais qui ne l’approuvaient pas constamment. Ils le blâmaient parfois avec sincérité, cherchant à calmer son humeur militante et à conjurer ses colères, sans grand succès néanmoins, car l’emportement du zèle était dans la nature de Chrysostome, qui se fût méprisé de ne point sacrifier toute considération de prudence à ce qu’il croyait le devoir. Ces sages conseillers n’avaient donc pas toujours son oreille. Ceux qu’il écoutait étaient les conseillers violens qui, affectant de se modeler sur lui, applaudissaient à ses actes les plus téméraires et caressaient ses défauts en les exagérant encore. L’histoire nous nomme deux de ces faux amis, les diacres Sérapion et Tigrius, auxquels elle attribue une large part dans les fautes et les malheurs de ce superbe et inflexible esprit.

Sérapion était un Égyptien en qui se résumaient les vices que l’histoire prête à sa nation, la vanité, l’irréflexion, l’arrogance. Violent lui-même jusqu’à l’excès, il entretenait Chrysostome dans la pensée que c’est par la violence qu’il faut imposer le bien à des natures rétives, et cette flatterie réussissait toujours. Chrysostome du moins était mû dans ses actions par un sentiment respectable et sincère : Sérapion savait mêler l’intérêt personnel et l’intrigue aux démonstrations d’un faux zèle, car on le vit s’élever tout à coup et presque sans transition du diaconat à la prêtrise, puis à l’épiscopat. Grâce à cette communauté de défauts qui lui livrait l’archevêque, il parvint à le maîtriser totalement, écartant de lui par des ombrages les bons serviteurs et les gens sensés, et se portant pour son seul confident et son guide dans les circonstances délicates, sauf à gâter par les insolences du valet les affaires déjà compromises du maître. Nous le retrouverons avec ce caractère et cette fatale influence sur la scène de nos récits. Pour le moment nous citerons un fait antérieur au temps où ils commencent, mais qui donne une idée du mal que les témérités de cet homme durent causer aux affaires de l’église. Chrysostome présidait un jour dans la basilique une assemblée de son clergé, où se discutait je ne sais quelle question irritante de réforme. La voix du prélat avait été ac-