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voie où se rencontrera la solution des grands problèmes de la météorologie. Les aborder du côté de la théorie pure serait chose prématurée (c’est toujours M. Airy qui parle) ; ce qu’il y a à faire pour le moment, c’est de coordonner les phénomènes, d’en chercher le lien intime par voie d’induction : cela exigera de nombreux essais, des tâtonnemens dans des directions très diverses, sans que rien promette une réussite prochaine. C’est comme la découverte d’un continent inconnu vers lequel nous guident la foi d’un Colomb et un vent propice.

Il y a parmi les hommes de science bon nombre de travailleurs dont le bonheur consiste à entasser chiffres sur chiffes sans qu’ils songent un seul instant à se demander ce qu’on pourra en faire. C’est là, il est vrai, une occupation aussi innocente que celle de cultiver des fleurs ou de collectionner des monnaies, mais il ne faut pas y chercher l’avenir de la science. Continuer d’enregistrer jour par jour la marche des phénomènes aériens suivant la vieille routine, c’est certainement perdre beaucoup de temps. Cela rappelle cette sentinelle qui pendant vingt ans monta la garde devant une porte murée, dans une rue déserte. C’est ainsi que, par habitude et pour se conformer à l’usage, on multiplie incessamment les observations de phénomènes qui n’ont au fond aucune signification précise, et dont la connaissance restera toujours stérile parce qu’on manque des données nécessaires pour les interpréter et les comprendre. Quelle conclusion, par exemple, tirer d’observations de la température faites à peu de distance du sol, une ou deux fois par jour, dans un endroit où le thermomètre est exposé à mille influences perturbatrices ? On aura beau observer pendant dix ans et prendre des moyennes, beaucoup de résultats inexacts ne donnent pas une moyenne exacte. La difficulté de déterminer à un moment donné la véritable température de l’air est même si grande, que, malgré les innombrables observations qui ont été publiées depuis tant d’années, on peut douter que le climat thermométrique soit connu d’une manière certaine pour un seul point du globe.

Les météorologistes se trouvent aujourd’hui débordés par les matériaux d’observations qui attendent une discussion approfondie pour devenir autre chose que des montagnes de chiffres ; l’étendue des calculs que nécessitent les recherches de ce genre et le peu de succès des tentatives qui ont été faites dans ce sens ont découragé les travailleurs, qui préfèrent une besogne plus restreinte et moins ingrate. La physique du globe les met aux prises avec un chaos de phénomènes d’une complication inextricable, tandis que la petite physique ou physique de chambre, s’il est permis de l’appeler ainsi, leur offre toute facilité d’étudier chaque phénomène sous ses différens aspects, dans les conditions simples d’une expérience de cabinet. Aussi savons-nous prévoir et expliquer les jeux de lumière les plus mirifiques dans un cristal, tandis que la couleur bleue du ciel est encore un sujet de controverses, et les effets d’une machine pneumatique n’embarrassent pas même un écolier, tandis que personne