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vous électrise. Précieuse rencontre pour la diffusion des idées musicales qu’une pareille compagnie d’exécutans dont le répertoire embrasse tout : les ouvertures d’Auber et d’Hérold, que le Conservatoire, un peu pédant, ne daigne admettre, y tiennent galamment leur place à côté d’un fragment de symphonie, de l’Invitation à la valse, des ouvertures d’Egmont et de Coriolan, ces merveilles du génie humain ! Et dans les intervalles les valses, les polkas se croisent à l’aventure, enroulant de leurs vignes folles et de leurs festons l’harmonique architecture des maîtres.

L’Oie du Caire ! Pourquoi pas l’autruche ? Ce serait là un titre plus pittoresque et mieux dans les convenances du sujet auquel Mozart prêta sa musique de si bonne grâce. Cette oie en effet joue dans la pièce le rôle d’un cheval de Troie d’où s’élancent au dénoûment la femme et les enfans du seigneur don Beltram, une manière de vieux Cassandre en train d’épouser son Isabella. Tous ceux qui auront lu l’excellent ouvrage de docteur Otto Jahn sur Mozart connaissent l’histoire de cette ébauche de partition, et il ne nous coûterait guère de dépenser à ce propos une somme fort respectable d’érudition. Ouvrons le quatrième volume, nous y verrons que c’est vers la fin de 1783 que Mozart se mit à cette œuvre, c’est-à-dire au lendemain de l’Enlèvement au sérail et à la veille des Noces de Figaro, si bien à la veille qu’il ne tarda point à laisser là cette oie pour courir après l’oiseau bleu des jardins du château d’Aguas-Frescas, où Suzanne et Chérubin, sous les marronniers, l’attiraient, le charmaient. Au chanoine Varesco, librettiste de complaisance, déjà succédait da Ponte, un autre abbé, mais possédé celui-là du démon du théâtre, un dramaturge dans le bénitier. Après les Noces de Figaro Don Juan, après Don Juan la Flûte enchantée et le reste ; de l’aile et du pied, la pauvre oie eut beau s’escrimer, jamais plus elle ne rattrapa son maître. Mozart cependant avait un moment eu la chose à cœur. « Encore trois airs à composer, écrivait-il à son père (10 décembre 1783), et j’aurai terminé mon premier acte. Je suis très content de mon travail, jamais je n’ai rien fait de mieux. Je serais au désespoir, si une pareille musique devait rester sans emploi. » Des fragmens, des papiers, voilà donc tout ce qu’on possédait de cette partition, qui devait avoir trois actes. Rien d’achevé, une musique à l’état de projet, l’instrumentation à peine tracée. On conçoit quelle tâche ingrate c’était entreprendre que de vouloir porter l’ordre et la cohésion dans ces débris, grouper en un corps d’ouvrage ces monades dispersées à tous les vents des enchères publiques. Le poème d’abord à rétablir. Sur ce point, le public n’a plus de préjugés. Il en passe de telles, aux librettistes des théâtres de premier, second et troisième. ordre, que c’eût été aussi par trop singulier de ne pas le voir se montrer bon prince, aux Fantaisies-Parisiennes.

Dans l’adaptation de la musique se trouvait donc la difficulté. Instrumenter du Mozart, y songeait-on ? D’ailleurs ces morceaux mêmes ne pouvaient suffire. Le nombre en était trop restreint. On a dû recourir