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tion de la partie danoise du Slesvig. Suivant la presse de Berlin, le Danemark ne peut avoir d’autre avocat que l’Autriche. Or le cabinet prussien vient d’ouvrir une négociation apparente avec le cabinet de Copenhague au sujet du fameux article 5 du traité de Prague. Avant de rien accorder au Danemark, il lui demande des garanties en faveur des Allemands qui demeureraient dans la portion du duché rétrocédée. C’est donc en cette occurrence le propriétaire qui sera tenu de donner des garanties de l’usage qu’il fera de son domaine lorsqu’il l’aura recouvré sur le détenteur illégitime. La prétention n’est pas seulement injuste et absurde ; si elle s’établissait, si le Danemark s’engageait à créer une situation particulière à la petite population allemande qui resterait dans le Slesvig, on verrait recommencer de la part de la Prusse ces ingérences dont les duchés ont été si longtemps le prétexte, et qui ont produit les conséquences que le monde a vues. La Prusse aurait ainsi bientôt grignoté le Danemark ; elle aurait absorbé promptement les positions maritimes et la brave escadre de ce fier petit pays. Les injustices prussiennes ne se bornent point à cette exigence diplomatique. Au fond, et tandis qu’on fait mine de négocier avec une hauteur de mauvais goût, on inflige aux Danois du Slesvig, à ceux qu’on serait tenu de rendre à leur patrie, les traitemens les plus iniques et les plus barbares. On procède contre eux par l’expulsion. L’article 19 du traité de Vienne de 1864 accordait aux sujets domiciliés sur les territoires cédés la faculté pendant six ans d’emporter leurs biens meubles en franchise de droits et de se retirer avec leurs familles dans les états de sa majesté danoise. Le même article leur assurait la liberté de conserver leurs immeubles sur les territoires cédés, et déclarait que les sujets danois qui profiteraient de ces dispositions ne seraient inquiétés ni dans leurs personnes ni dans leurs propriétés. Cette stipulation est interprétée par la Prusse d’une façon odieusement arbitraire. Comme les Slesvigois ont par le traité de Vienne la faculté de se retirer « avec leurs familles, » on expulse les familles de ceux qui sortent. Une ordonnance prussienne du 29 mai défend aux Slesvigois qui se sont retirés en Danemark de rentrer dans le duché, bien que le traité leur laissât six ans pour l’option de nationalité. Ce terme d’option devait affranchir les jeunes Slesvigois des obligations du service militaire prussien. L’autorité prussienne ne leur reconnaît point ce droit, et les oblige à fuir comme des réfractaires. Des milliers de familles sont, dit-on, victimes de la cruauté de ce système d’expulsion, qui paraît plus déraisonnable encore quand on songe que, si la Prusse finit par exécuter ses engagemens de Prague, elle sera obligée de rendre au Danemark la province dont elle opprime aujourd’hui la population danoise. « Le cri de détresse que pousse la population danoise du Slesvig, dit un écrivain de Copenhague, fait frémir la nation de colère au sentiment de son impuissance. N’est-il donc aucun droit des gens, aucune police en Europe ? » Voilà les protestations douloureuses qui retentissent dans le monde quand les forts ont aban-