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mêlés continentaux. Il est heureux que dans son esprit et dans celui de son père, lord Derby, les responsabilités de la garantie collective se soient tout à coup réduites aux proportions les plus exiguës. Les deux ministres, sur les interpellations de gens qui redoutent tout engagement extérieur pour leur pays, ont expliqué que, par l’attribut de collectivité, la garantie ne pouvait devenir obligatoire, pour l’Angleterre que si les autres puissances voulaient, le cas échéant, en faire l’application : qu’une seule s’y refuse et adieu la garantie ! La collectivité cesse, et l’Angleterre n’est plus obligée. On frémit quand on voit la paix du monde attachée au caprice de quelques hommes qui n’ont pour frein que de telles subtilités. Le bon sens ne crie-t-il pas à tous les honnêtes gens que les peuples n’auront de paix et de sécurité que lorsqu’ils seront maîtres d’eux-mêmes ?

Quoi, qu’il en soit, les apparences ne donnent point à croire que M. de Bismark ait laissé modifier dans son voyage à Paris les rudes formes de sa politique. S’il est vrai, comme on l’assure, que le prince Gortchakof ait affecté d’exercer une influence conciliante sur le ministre prussien, son succès a été médiocre. La Prusse pouvait renouveler ses arrangement du Zollverein avec les états du midi de l’Allemagne sans leur donner un caractère politique. Le fier comte n’est point homme à user de ces ménagemens. Il a voulu faire entrer les délégués du sud au parlement de la confédération du nord pour la discussion et le vote des mesures qui intéresseront les douanes et par conséquent tous les intérêts économiques de l’Allemagne. Avec cette présence au parlement fédéral des représentans commerciaux et fiscaux, des états du sud, M. de Bismark peut se rendre le témoignage que l’union des deux Allemagnes est faite aux trois quarts. Un homme, qui mène si prestement et si heureusement à bout de grandes choses devrait se délasser en montrant parfois quelque aménité et quelque débonnaireté dans la conduite des petites. Les grands hommes d’état n’ont pas sans cesse des motifs d’être gais, mais il n’en est point qui aient toujours été hargneux. La mauvaise humeur de la politique prussienne contre le Danemark continue. Elle a beau être redevable au Danemark de l’occasion de ses prodigieux succès, elle n’en garde au petit royaume de la Baltique aucune reconnaissance. Il s’agit maintenant, on le sait, de l’exécution de l’article du traité de Prague qui promettait au Danemark la restitution de la portion septentrionale du Slesvig. M. de Bismark n’a point l’air de vouloir faire cette restitution simplement et galamment. D’abord il n’admet point qu’aucune puissance étrangère ait le droit de le presser. Il n’accepte comme interlocuteur que l’état avec lequel il a signé le traité de Prague, l’Autriche, et la belle chance que l’Autriche aille chercher un sujet de contestation avec la Prusse dans ces duchés qui sont la cause de ses malheurs ! Nous nous étions figuré que la France, ayant été médiatrice à Nikolsbourg, avait quelque titre à s’intéresser au Danemark et à dire un mot sur la restitu-