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la gravité des questions et des événemens de la politique étrangère comme la cause pratique des changemens qui doivent être portés dans la direction de notre politique intérieure ne saurait être contesté. La discussion générale et spéciale du budget doit fournir mainte occasion à l’opposition de fixer cette vérité dans la conscience du pays. Le Mexique par exemple reparaît encore une fois cette année dans les crédits supplémentaires ; il faudra bien en finir aussi avec cette entreprise si douloureuse, mais en même temps si instructive. Il y a là l’expérience complète et terminée d’un système aux erreurs et aux entraînemens duquel une nation comme la nôtre, pour sa sécurité comme pour sa dignité, ne peut continuer à être exposée. La chambre doit au pays, ne fût-ce qu’en réparation de ses complaisances pour la fatale expédition mexicaine, de laisser l’opposition clore le jugement définitif de cette affaire par un résumé franc et austère. Aussi bien le seul profit qu’on puisse retirer des fautes commises, c’est d’envisager avec probité et courage les sévères enseignemens qu’elles donnent. D’ailleurs l’affaire mexicaine trouve encore quelque atténuation dans son excentricité : elle a dévoré beaucoup d’argent et beaucoup trop de sang français, elle nous a donné bien des déboires, elle a un moment compromis gratuitement nos rapports avec les États-Unis ; mais les vicissitudes n’en ont pu porter atteinte à la sécurité de la France. Les erreurs dans la politique européenne auraient des conséquences bien plus désastreuses. Le pays peut en juger par les effets qu’il en ressent déjà : pour avoir en 1864 négligé la question des duchés danois, pour avoir en 1866 aidé la Prusse par une neutralité partiale qui ne s’opposait point à l’alliance du cabinet de Florence au cabinet de Berlin, nous nous voyons aujourd’hui obligés de nous imposer les charges militaires les plus lourdes et de ruineuses augmentations de dépenses. Cette année même, la frivole revanche qu’on a cherchée dans l’acquisition du Luxembourg, sans aucune invitation, et on pourrait dire à l’insu de l’opinion publique, a failli mettre brusquement la France aux prises avec l’Allemagne. Les explications données par lord Stanley à la chambre des communes sur la négociation qui a détourné la guerre, la double publication anglaise et française des documens diplomatiques relatifs à cette transaction, fournissent les avertissemens les plus lumineux sur la futilité des causes du conflit, sur la légèreté des hommes politiques qui l’avaient fait naître, sur les minuties qui auraient pu le faire éclater. Le péril de la guerre a été conjuré par une sorte de bon vouloir sympathique qui s’est emparé tout à coup des puissances neutres et par la modération dont se sont laissé pénétrer les puissances en litige ; mais les documens officiels et les explications de lord Stanley et de lord Derby montrent que tout a tenu à un fil. La Prusse exigeait la neutralité du Luxembourg avec la garantie collective des puissances. Cette garantie a effarouché un instant lord Stanley, qui, en véritable Anglais de ce temps, répugne à compromettre son pays dans les dé-