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de questions qui touchent le plus vivement à la constitution française, desquelles dépendent et l’action de l’opinion sur le pouvoir et la marche du pouvoir lui-même, la chambre a été prise d’un engourdissement singulier. Il fallait se mettre de bon cœur à cette besogne, la pousser, avec ardeur, se hâter de donner de nouvelles garanties à la vie constitutionnelle du pays ; on s’est montré au contraire mou, sceptique, indolent. On a fini par ajourner à une session d’automne les lois qui devaient être cette année le grand ouvrage de la France, le droit de réunion, la presse, l’armée. On reste ainsi de gaîté de cœur dans l’indécision et la confusion à l’égard de principes et d’intérêts politiques du premier, ordre et de la plus pressante urgence. Il s’agissait de régénérer le pouvoir en animant les courans de l’opinion nationale, et on le laisse se débiliter dans la lenteur et l’incertitude.

Ces ajournemens, motivés par des hésitations injustifiables, ont sans doute de graves inconvéniens au point de vue élevé de l’intérêt gouvernemental. Ils sont regrettables aussi au point de vue de l’expédition des affaires pratiques. Dès que le projet de loi sur l’armée eut été renvoyé à la session d’automne, le gouvernement se hâta de présenter la demande de crédits supplémentaires, motivés sur les dépenses extraordinaires affectées cette année aux arméniens militaires et maritimes. M. le ministre des finances propose de couvrir ces crédits, qui dépassent 158 millions, au moyen d’une émission provisoire de bons du trésor. Le provisoire ne vaut que mieux en finances qu’ailleurs. Le provisoire d’une émission extraordinaire de 150 millions de bons du trésor a le défaut de laisser supposer qu’un emprunt prochain en rentes est possible, et cette perspective est pour les affaires financières une cause d’incertitude et de stagnation. Si la loi sur l’armée, eût été votée, M. Rouher eût réglé probablement d’une façon définitive les voies et moyens, qui doivent couvrir ses crédits supplémentaires, et n’eût point eu recours à une émission de bons du trésors. Le projet de réorganisation de l’armée, tel qu’il sort des travaux de la commission, abolit avec l’assentiment du pouvoir l’exonération opérée par l’état et en conséquence la caisse de la dotation. La fin de cette caisse doit placer entre les mains de l’état des sommes disponibles considérables et des titres de rente. Il est vraisemblable qu’avec ces ressources on eût pu couvrir en partie au moins les crédits supplémentaires de 1867. L’exposé des motifs du projet de loi fait sans doute allusion à une opération de trésorerie de ce genre, quand il donne à entendre qu’il sera possible de subvenir aux crédits par quelque mesure législative qui dispenserait le gouvernement de recourir à l’emprunt. La loi sur l’armée étant renvoyée à la session d’automne et les crédits devant être votés en même temps que le budget, l’opération financière naturelle est retardée, et on est obligé de demander une émission de bons du trésor qui n’était peut-être point dans la nécessité des choses.

Le point de vue auquel nous nous plaçons quand nous considérons