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année quand, par le droit de réunion et la rentrée de la presse dans le régime légal, il a voulu accroître les prérogatives de l’opinion publique. On était arrivé à une situation dont l’empereur avait paru discerner les nécessités solidaires. D’une part, de grandes expériences de politique étrangère étaient accomplies ; elles avaient eu les résultats les plus malheureux ; l’affaire du Mexique était un complet échec, et toutes les combinaisons suivies depuis la guerre de l’Allemagne contre le Danemark avaient abouti à un déplacement de forces sur le continent dont la France se sentait instinctivement blessée. Toute controverse, toute apologie devenait stérile ; les faits étaient là, et, quel que fût son langage, le gouvernement en reconnaissait bien lui-même par ses actes la signification incontestable, puisqu’il donnait une impulsion vigoureuse à notre préparation militaire, et proclamait la nécessité d’une réorganisation de l’armée qui portait à huit cent mille le nombre de nos soldats. Échecs multipliés et consécutifs de notre politique étrangère, nécessité de demander d’urgence au pays des sacrifices nouveaux et considérables en hommes et en argent, telle était la situation. Le chef de l’état dut bien comprendre que pour y faire face l’intérêt et la justice voulaient que le concours du pays fût sollicité sous une autre forme que la résignation aux échecs subis et le morne assentiment à l’accroissement des charges militaires ; l’empereur dut sentir qu’il fallait donner à la France, pour obtenir sa confiance, le témoignage d’une foi égale dans le patriotisme des inspirations et des résolutions nationales. De là la pensée très sage et très opportune de relâcher les ressorts de la constitution, de rendre à la presse une liberté honorable et d’accorder le droit de réunion, qui pouvait devenir l’instrument d’élections libres et sincères. C’était la loi de la situation : puisqu’il fallait faire beaucoup pour conjurer au dehors un danger qu’on avait laissé se former par une politique discrétionnaire, c’était bien le moins de faire aussi quelque chose pour élargir les libertés de la France, pour restituer à la nation la faculté d’exercer une action plus étendue, plus continue, plus vigilante, plus décisive, sur la direction de sa politique générale.

Telle devait être l’idée première, tel devait être l’objet final de la politique manifestée par le programme du 19 janvier. Quelle a été l’histoire de cette tentative ? Voilà la question qui se pose à la fin de la session. Au bout de six mois, on est forcé de reconnaître que la pensée qui a trouvé son expression dans la lettre du 19 janvier n’est demeurée jusqu’à l’heure actuelle qu’une velléité qui n’est point encore arrivée jusqu’à l’exécution. On n’a mis aucun zèle à réaliser la nouvelle politique. Les projets de loi sur le droit de réunion et la presse, comme le projet de loi sur l’armée, après avoir été abandonnés pendant quatre mois aux manipulations des commissions, ont été commentés de rapports qui ont apparu au moment où la chambre, attardée par une indéfinissable nonchalance, n’avait plus le temps d’en aborder la discussion. En présence