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nople les souverains de la Turquie est la solide promesse des concessions qu’Abdul-Aziz et ses ministres accorderont avec indépendance à l’influence désintéressée et conciliante de la civilisation occidentale. Officiellement, le sultan recevra parmi nous les mêmes honneurs que le tsar ; mais le sentiment public ne sera embarrassé d’aucune gêne douloureuse, et conservera sa jovialité naturelle devant cet honnête calife qui nous arrive du monde des Mille et une Nuits.

Il en faut convenir, notre exposition avec ses merveilles industrielles, ses concours de populations de toutes les races, ses manifestations de la prospérité et en somme de la prééminence du travail et de l’art français, avec ses récompenses éclatantes et ses grandes fêtes, est une diversion consolante aux chagrins que de toutes parts la politique vient susciter au patriotisme français. L’exposition est le témoignage d’une démocratie laborieuse et puissante qui semble se jouer au milieu des fautes de son gouvernement. Cependant cette représentation heureuse des forces industrielles et des mœurs faciles de la France n’est point capable de distraire l’attention publique des circonstances gravés qui ont amené à un point extrêmement critique nos affaires intérieures et extérieures.

On doit espérer que la discussion du budget, qui vient enfin de s’ouvrir, sera digne de la situation où la France est placée, et sera pour le gouvernement, et le pays l’occasion d’un solennel examen de conscience. Les difficultés du dedans et du dehors se réunissent pour donner cette année une efficacité singulière à la discussion du budget : les événemens ont parlé avec tant de continuité et de force qu’ils donnent des enseignemens sur lesquels ne peuvent plus se méprendre ceux qui ont conservé quelque probité d’esprit et quelque prudence. De nouvelles et puissantes précautions doivent être prises dans la conduite du gouvernement ; on ne peut guère espérer que ces précautions puissent en ce moment être imposées au pouvoir par les votes du corps législatif ; mais il est au moins nécessaire qu’elles soient énergiquement signalées et définies par la discussion du budget.

Les inquiétudes politiques ont eu pour principal objet dans ces derniers temps les affaires extérieures : c’est à notre avis bien plus sur l’intérieur qu’eût dû se porter la sollicitude patriotique. Nous sommes convaincus que la France ne court de périls au dehors que par les défauts de sa politique intérieure. Les événemens extérieurs qui ont si profondément affecté nos intérêts ont démontré d’une façon péremptoire que la fortune de notre politique extérieure dépend entièrement des règles qui régissent chez nous l’initiative et le contrôle du pouvoir. Or la question de l’initiative du pouvoir et de ses limites est la suprême question politique intérieure. Quels que soient les dissentimens qui nous ont divisés depuis seize ans, on est d’accord que l’empereur a montré plus d’une fois de la sagacité dans l’appréciation des situations décisives. C’est un témoignage de cette sagacité qu’il a donné au commencement de cette