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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 juin 1867.

Tsar, électeur de Brandebourg, ne sont plus pour nous que de vieilles lunes, retournées à leurs septentrionales régions. Les spectateurs parisiens appartiennent maintenant aux souverains du midi, et c’est le successeur même de Mahomet qui ouvre la marche ; puis viendront dans le pèlerinage de l’exposition universelle l’empereur d’Autriche, le roi d’Italie, peut-être la reine d’Espagne. Y a-t-il un intérêt politique dans ce défilé unique de têtes couronnées ? Quelques-uns le voudraient faire croire. Le prince Gortchakof affectait, par exemple, de n’être pas venu ici en simple curieux, attiré uniquement par l’attrait que pouvait offrir à son empereur l’épice des plaisirs parisiens. Le voyage russe était, suivant lui le commencement, la préparation de grandes choses ; il se fût donné volontiers les airs d’un médiateur débonnaire entre la Prusse et la France ; il nous glissait de patientes insinuations sur les affaires d’Orient dans le sens de cette politique russe qui tend à dissoudre peu à peu l’empire ottoman par des démembremens successifs. Il a obtenu ainsi peut-être quelques complaisances polies de notre diplomatie au sujet des affaires de Crète. Tout cela est bien superficiel, bien frivole, et s’évapore devant le voyage du sultan. Parmi les distractions que l’exposition nous apporte, la plus amusante sera certainement l’apparition parmi nous du commandeur des croyans. Dans l’accueil que recevra chez nous l’empereur de Turquie, aucun souvenir pénible, aucune préoccupation douloureuse ne troubleront l’esprit hospitalier de la France. Notre pays est le premier qui reçoive la visite d’un sultan, et ce sultan est le représentant d’une puissance qui n’a cessé, depuis le XVIe siècle, d’être l’alliée de la France. Des Français ne peuvent avoir que de bons sentimens pour ce monarque oriental, menacé aujourd’hui par une propagande hypocrite et qui ne saurait être utile qu’à nos ennemis. L’avance singulière que le sultan fait à la France en rompant avec la tradition qui immobilisait à Constanti-