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fausseté, d’erreur, de calomnie, qu’il ne soit possible d’accréditer au moyen d’une authenticité de cette nature. Je le dis en thèse générale, mais quant aux mémoires du comte Miot de Mélito je puis préciser les motifs qui auraient dû les faire accueillir avec plus de circonspection par un écrivain du caractère de M. d’Haussonville. Veut-on que des mémoires sur une personnalité aussi exposée aux passions politiques de nos jours que l’est celle de Napoléon Ier et de ses frères puissent être consultés en qualité de documens historiques, il faut évidemment qu’ils n’aient pas été rédigés et publiés sous une inspiration notoirement hostile. Il faut une preuve quelconque de la vérité des documens invoqués. Or quelle apparence de réalité ont les lettres ou les conversations citées dans les mémoires du comte Miot de Mélito ? Aucune. Si c’est le comte Miot de Mélito qui a écrit ces mémoires, ce n’est pas lui qui les a publiés. Je ne sais pas quelles sont les notes qu’a pu laisser cet ancien serviteur du roi Joseph, qui a rompu dans la dernière partie de sa carrière les liens politiques qui l’avaient attaché à ma famille. Ce qui est certain, c’est que ces notes, tombées par suite d’alliance de famille entre les mains du général wurtembergeois Fleischmann, ont été publiées par ce dernier longtemps après la mort du comte de Mélito. M. le général Fleischmann était un étranger qui a combattu contre nous, et qui, aimant peu la France, s’est inspiré des ennemis de l’empire et a fait une œuvre de parti. Est-il besoin d’insister sur la valeur historique des mémoires publiés par ce personnage ? Ce n’est pas la première fois que les faussetés des mémoires du comte Miot de Mélito ont été rectifiées. Si j’ai bonne mémoire, un de mes cousins, le prince Pierre Bonaparte, a exigé et obtenu une rectification qui concernait son père, le prince Lucien, dans le premier volume de cet ouvrage.

Je laisse à chacun le soin d’apprécier l’authenticité et la véracité des mémoires du comte de Mélito ; mais je soutiens que, si un écrivain a le droit de citer des documens, j’ai celui de signaler leur origine et leur valeur.

Aujourd’hui, monsieur le directeur, je demande à votre impartialité l’insertion de la présente lettre, destinée à compléter et sur certains points à contredire le récit de M. d’Haussonville. Partisan pour chaque citoyen de la liberté de publier ses opinions par la voie de la presse, c’est à cette liberté même que je crois devoir recourir ici, convaincu qu’en général c’est à la liberté de la presse seule qu’il faut demander le redressement de ses abus et de ses erreurs.

Recevez, monsieur le directeur, l’assurance de ma considération la plus distinguée,


NAPOLEON (JEROME).

Palais-Royal, le 27 juin 1867.