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Valence, Jean de Montluc, recevait en toute hâte l’ordre de partir.

Un pas de plus, tout était dit, l’affaire s’engageait ; mais là était justement le difficile, et c’est à ce moment suprême que la politique proposée à la France touchait à l’épreuve la plus décisive ; elle avait à triompher de la coalition de tous les adversaires de la guerre qui entouraient le roi et faisaient un dernier effort pour le retenir. Ils se réunissaient tous, les catholiques extrêmes, qui ne voulaient que l’alliance de l’Espagne, et ces bons partisans de la paix qui sont de tous les temps, qui trouvent toujours que le plus habile est de ne rien faire. Ceux-ci étaient assez bien représentés par Morvilliers, le successeur de Lhôpital dans la charge de chancelier, homme doux, honnête, pliant, évasif, qui rédigea un mémoire où il conseillait au roi « de nettoyer et polisser le dedans sans mettre les mains au dehors. » C’était un modéré craignant les allures révolutionnaires. « On pourroit à l’adventure, disait-il, douter s’il est honnête et utile à un roy de favoriser les entreprises des sujets contre leurs princes, encore qu’elles fussent fondées de causes apparentes. » Le vieux Tavannes était plus franc : il traitait le prince d’Orange et les siens de « gens désespérés et chassés hors de leurs biens ;… » il ne voulait pas surtout que « les vaincus de Moncontour pussent conduire les victorieux selon leurs desseins… » La reine-mère flottait, hésitait, « changeant de desseins trois fois par jour, » selon le mot d’un diplomate vénitien, ou plutôt elle paraissait hésiter, elle attendait. Le roi ne renonçait pas encore à son plan ; mais il semblait un peu ébranlé, et il demandait qu’on lui laissât quelques jours de plaisirs et de fêtes pour les noces de sa sœur Marguerite avec le roi de Navarre. Coligny seul tenait tête à l’orage. « Le courage de l’amiral est invincible, écrivait Walsingham, il prévoit les malheurs qui arriveront à moins qu’il ne vienne un secours du ciel ; mais dans cette tempête il n’abandonne pas le gouvernail, il n’a jamais fait paraître plus de grandeur d’âme… »

Il y eut un dernier conseil où toutes les opinions se retrouvèrent en présence, où plus que jamais le roi semblait indécis, n’osant ni reculer ni aller plus loin, ce qui par cela même réveillait toutes les espérances des partisans de la paix. Coligny, brusquant la situation, se tourna vers le roi, et lui dit : « Sire, puisque votre majesté, de l’avis de ceux qui sont ici, est entraînée à ne pas saisir une occasion aussi opportune pour son honneur et son service, je ne puis m’opposer à ce qu’elle fait ; ., mais votre majesté ne trouvera pas mauvais si, ayant promis au prince d’Orange tous secours et toutes faveurs, je m’efforce de sauver mon honneur avec l’aide des amis, des parens, des serviteurs que j’ai, et à faire service de ma propre personne, s’il en est besoin. » Et, s’adressant à la reine-mère, qui