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fondateur de la dynastie carlovingienne, et de revendiquer pour son compte la suprématie jadis exercée sur les conseils du Vatican par ceux qu’il appelait constamment ses glorieux prédécesseurs. Sans contredit, la théorie était singulière de la part de celui qui se disait aussi le représentant de la révolution française ; mais de semblables contradictions ne coûtent guère aux détenteurs du pouvoir absolu lorsqu’ils sont arrivés à ce point de grandeur et de fortune où personne n’ose plus les contredire. Napoléon mit d’autant plus d’affectation à produire son ambitieuse théorie qu’il en sentait peut-être mieux lui-même l’étrangeté et le vide. Peu à peu il en vint à la soutenir comme un dogme indiscutable, et tels sont, même pour les esprits supérieurs, les entraînemens ordinaires d’une controverse mal engagée, qu’au bout de peu de temps on eût dit que Napoléon avait entièrement perdu de vue l’objet primitif de ses débats avec la cour de Rome. Il semblait n’attacher plus qu’une importance relativement assez médiocre au séjour de M. Jackson à Rome, et la fermeture des ports romains aux vaisseaux des Anglais et des Russes n’était plus désormais, à ses yeux, qu’une mesure d’une efficacité très secondaire. Ce qui lui tenait à cœur, c’était de faire solennellement accepter en principe et en droit à la cour de Rome la subordination temporelle du pape à l’égard du nouvel empereur d’Occident. De tous les membres du sacré-collège, le secrétaire d’état qui dirigeait alors les conseils du Vatican était à coup sûr le moins disposé à concéder jamais une pareille doctrine ; Napoléon le connaissait personnellement, il savait par expérience que les séductions ou les menacés ne pouvaient rien sur lui : voilà pourquoi il ne lui restait plus maintenant qu’à provoquer la chute de l’inflexible ministre.

Est-il besoin d’expliquer comment, aux yeux de Pie VII et de Consalvi, les prétentions ainsi formulées de l’empereur étaient complètement inadmissibles ? Rompre officiellement ses relations diplomatiques avec les puissances étrangères qui étaient en guerre avec la France, interdire ouvertement à leurs sujets l’accès de ses états et du jour au lendemain renvoyer violemment tous ceux qui y étaient depuis longtemps établis, c’étaient là des conditions auxquelles le pape, en sa qualité de chef d’état, ne pouvait à aucun degré souscrire, car elles portaient l’atteinte la plus flagrante à ses droits de souveraineté temporelle. Bien moins encore le chef de la catholicité était-il libre de se prêter à des mesures qui auraient entravé d’une façon absolue l’exercice régulier de sa mission spirituelle. Il était clair que sa docilité aurait eu pour effet immédiat de compromettre aux yeux de l’univers entier son caractère sacré de père commun des fidèles. Traitée dogmatiquement, la