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le prophète ami d’Ëzéchias. Parmi les Juifs revenus de l’exil, le livre d’Esdrats[1] signale un Ésàïe.

On dit aussi que ces prophéties furent montrées à Cyrus pour l’engager à rendre aux Juifs la liberté. Cela est fort possible, bien qu’il soit douteux que Cyrus ait été très édifié de l’avenir promis par elles à la nation qu’il s’agissait de rétablir ; mais, s’il les vit, il n’est pas à croire qu’il y ait regardé de bien près. Il y avait d’ailleurs assez de bonnes raisons politiques pour déterminer Cyrus à cet acte d’émancipation, qui très certainement avait fait partie de son manifeste d’invasion.

On sait l’histoire des derniers jours de la royauté babylonienne. Vainqueur de Crésus, Cyrus pénétra en Chaldée avec une armée aguerrie, et, victorieux dans toutes ses rencontres, il vint camper sous les murs de Babylone. L’orgueilleuse ville, à l’abri de ses énormes remparts, se croyait imprenable ; mais une baisse considérable de l’Euphrate, causée, dit-on, par un stratagème de Cyrus, qui avait détourné le cours du fleuve en amont de Babylone, permit aux soldats perses de s’introduire par les quais qui n’étaient pas gardés. Ce jour-là ou plutôt cette nuit-là, les Babyloniens étaient en fête, et, frappés de stupeur, ils se défendirent à peine. La prise de Borsippa, où s’était réfugié Nabonetos[2], acheva d’assurer la conquête de Cyrus, et le fameux édit d’émancipation ne tarda pas à être rendu. La suite de l’histoire de la Perse nous montre les rois de ce pays tout aussi soucieux que ceux de Ninive et de Babylone de neutraliser la puissance égyptienne. Les Juifs, gardiens de la frontière, durent probablement à cette circonstance les traitemens ordinairement doux et sympathiques dont ils furent l’objet de la part des successeurs de Cyrus, et ne se révoltèrent jamais contre eux.

Il est vrai que ce pauvre peuple, à qui l’avenir réservait encore une si tragique destinée, fut de longtemps incapable de se révolter contre qui que ce soit. Si les prophètes qui l’avaient consolé aux jours de l’exil furent témoins du retour de Babylone, ils durent être douloureusement surpris par le contraste que cette fois encore la réalité forma avec leurs attentes. Un petit nombre seulement des exilés se montra disposé à profiter de l’édit de Cyrus. La

  1. VIII, 7.
  2. Qu’est-ce que le Belsatzar ou Balthazar du livre de Daniel ? On veut, en se fondant sur une inscription bien obscure, que Nabonetos eût déjà associé son fils Belsatzar à l’empire, et lui eût confié la défense de Babylone pendant qu’il se retirait lui-même dans Borsippa ; mais pourquoi donc le livre de Daniel, qui d’ailleurs confond deux sièges bien distincts de Babylone et substitue Darius à Cyrus comme conquérant de la Chaldée, ne sait-il rien de cette association du père et du fils, et fait-il de Belsatzar le fils de Nébucanetzar (Dan., V, 11, 22) ? N’est-ce pas plutôt une preuve de plus, à ajouter à tant d’autres, que le livre de Daniel est fort peu historique ?