Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avaient eu affaire aux Assyriens. Déjà Phul, prédécesseur de Tiglat-Pilezer, avait tiré d’eux de l’argent sous le roi Menahem, et avait transporté les hommes de Basan sur les bords de l’Euphrate et jusque dans les montagnes de l’Iran. Il semble toutefois que cette campagne n’avait pas eu de résultats durables, et que, pour une raison quelconque, l’annexion de la Palestine du nord à l’empire avait été retardée. Les inscriptions ne nous ont pas encore bien renseignés sur cette période (première moitié du VIIIe siècle). Tiglat-Pilezer. saisit avec empressement cette occasion de donner à son empire la mer pour frontière et les marins phéniciens pour avant-postes. D’ailleurs il méditait déjà la conquête de l’Égypte. Il tomba donc à l’improviste sur les deux alliés. Kezin fut tué, la ville de Damas emportée, et le vainqueur fit sentir aux deux royaumes coalisés les douceurs de la politique assyrienne. Cette politique était simple : elle se réduisait à deux règles dont pendant des siècles l’Assyrie ne se départit pas. La première était de laisser le roi vaincu à la tête de ses sujets, sous promesse qu’il paierait un tribut fixé par le vainqueur, ce qui arriva à Pékah, roi d’Israël, lequel fut trop heureux à cette condition d’échapper au sort de son allié. Voici la seconde : si par la suite le roi et le peuple tributaires refusaient de payer plus longtemps, l’armée assyrienne revenait, le prince rebelle était puni, par la perte de la vue ou de la vie, et une grande partie, parfois la presque totalité de la population était déportée. Souvent même on jugeait à propos de mêler un peu les deux méthodes, c’est-à-dire que, dès la première invasion, le vainqueur enlevait une fraction du peuple vaincu, à titre de premier avertissement. Cette monstrueuse manière de fonder un empire nous explique la durée de cette monarchie militaire, seule centralisée et toujours prête au combat, la fréquence des révoltes partielles qui l’agitèrent et la soudaineté de sa chute irrémédiable. Dès que Ninive fut prise, l’empire assyrien tomba en poussière, et il n’en resta rien. Il en fut de même des monumens de la capitale, Quand Xénophon, l’an 401 avant Jésus-Christ, passa avec ses dix-mille près des lieux où fut Ninive, il n’y vit absolument que des ruines.

Ésaïe avait fortement désapprouvé le moyen adopté par Achaz pour échapper à ses ennemis. Il pensait sans doute que le roi d’Assyrie n’avait pas besoin d’encouragement pour envahir la Syrie, Les discours du prophète montrent qu’il se rendait un compte très clair de la situation. Il prévoyait fort justement que l’amitié intéressée de l’Assyrie serait bientôt aussi fatale à Juda que son inimitié avait pu l’être à Éphraïm. Nous avons dit dans l’étude précédente pourquoi les nâbis n’étaient pas favorables aux alliances étrangères. Ésaïe avait un motif de plus : il devinait que la