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parler, est situé vers le confluent du Missouri et de la Rivière-Platte, dans l’état de Nebraska, limité au nord par le Dakotah, au sud par le Kansas. D’Omaha, le chemin de fer remonte la Rivière-Platte et recoupe au nord le territoire de Colorado, inconnu hier, aujourd’hui partout cité pour la richesse de ses mines d’argent, d’or et de cuivre ; puis le railway franchit les Montagnes Rocheuses au col Bridger par un tunnel dont la longueur ne dépassera pas 500 mètres, et descend dans l’Utah, où il passe par la ville du Lac-Salé, la capitale des mormons polygames. De là, il entre dans l’état de Nevada, dont les célèbres mines, découvertes il y a six ans à peine, produisent aujourd’hui autant en argent que la Californie produit en or, c’est-à-dire trois cents millions de francs par année. De Carson-City, capitale de Nevada, déjà peuplée de 15,000 habitans, le chemin de fer se dirige vers la Sierra-Nevada, qu’il franchit par des rampes successives, puis par un tunnel de 500 mètres, et de là, saluant la Californie, il descend vers Sacramento, la capitale du pays de l’or, et vers San-Francisco, la jeune reine du Pacifique. Les rampes de la Nevada et deux tunnels dont la longueur totale n’atteint pas un kilomètre ; telles sont donc les seules difficultés à vaincre sur un si long parcours. En beaucoup d’endroits, le terrain a été si bien nivelé par la nature, qu’on ne voit pas de quel côté il penche, et que les rails se posent sans aucune fouille sur le sol. Pas de grandes rivières à franchir, pas de torrens impétueux à dompter. Le seul ennemi de la voie, nous l’avons fait connaître, c’est, sur quelques points heureusement isolés, le désert, où manquent l’eau et le bois, où domine le peau-rouge, vagabond et chasseur, adversaire-né du colon stable, mais le bois et l’eau, on les apporte, et quant à l’enfant des prairies, il disparaîtra et s’éteindrai bientôt devant l’homme civilisé. C’est là une des lois fatales du progrès et elle se vérifie partout où se présente l’Européen.

Le grand chemin de fer du Pacifique avance des deux côtés à la fois. Du, côté de la Rivière-Platte, il a déjà atteint le pied des Montagnes-Rocheuses, à 500 milles d’Omaha ; du côté du Sacramento, le pic et le fleuret du mineur vont faire éclater le rempart de granit de la sierra ; à 150 milles du Pacifique. Dans les prairies, grâce au nivellement naturel du sol, on pose jusqu’à une demi-lieue et même une lieue de rails par jour quatre kilomètres. Ici, près des anciens états de l’Union, ce sont des terrassiers irlandais qui font tous les travaux de la voie. Ils marchent avec elle, toujours vers l’ouest, emmenant à chaque étape leur famille, leur maisons de bois roulante et leurs animaux domestiques. Là, du côté des jeunes états du Pacifique, ce sont des Chinois venus de Californie, où ils avaient d’abord émigré, et qui ont quitté les placers au fur et à mesure de l’épuisement des sables, aurifères. Le Chinois se montre ici ce qu’il est partout, travailleur patient, industrieux, jouant un rôle des plus humbles, mais des plus utiles. C’est John-le-Célestial (ainsi rappellent les Yankees) qui a ouvert le chemin de fer de Panama au milieu de