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sommes n’avaient rien d’exagéré, et il fallait même toute la promptitude, l’économie et la simplicité que les américains apportent dans leurs grands travaux pour ne pas atteindre un total beaucoup plus élevé. Le parcours était en effet non-seulement très étendu, mais parfois très difficiles, et si des terres arables, existaient sur le tiers ou le quart du chemin, sur d’autres points le bois et l’eau manquaient complètement ; enfin le pays était partout à peu près désert, visité seulement par les Indiens et les bisons ; c’étaient ces fameuses prairies que Cooper a immortalisées.

L’énergie des pionniers et des explorateurs américains avait préludé de bonne heure, aux avant-projets d’une voie ferrée. Parmi les explorateurs s’était distingué au premier rang le général Fremont, alors simple capitaine du corps des ingénieurs. En 1847, parti avec une faible escorte des bords du Missouri, il s’était courageusement avancé à travers des territoires déserts, avait reconnu les divers cols ou passages des Montagnes-Rocheuses et de la Sierra-Nevada, puis était descendu en Californie, où il avait pris part à la conquête du pays par les Américains. C’était aussi à ce moment (janvier 1848) qu’un pauvre ouvrier mormon, Marshall, découvrait par hasard la première pépite, comme si le précieux métal n’eût dû être révélé dans cette contrée qu’à ceux-là seulement qui pourraient la coloniser. Une partie des émigrans que la découverte de l’or amena tout aussitôt en Californie vint par terre en suivant la route de Frémont. Le trajet était des plus périlleux et durait de quatre à six mois. Aussi plus d’un convoi laissa ses os le long du chemin, jalonnant d’une façon sinistre pour ceux qui suivaient la voie à parcourir. Souvent des maladies contagieuses décimaient la caravane en marche, quelquefois l’herbe manquait pour le bétail, ou bien les froids précoces, les tourmentes et les neiges surprenaient dans les montagnes les courageux marcheurs et les ensevelissaient dans ces Alpes privées de refuges. La famine elle-même étendait parfois ses ravages au milieu du convoi, qui courait aussi le péril de succomber aux sauvages attaques des Indiens. La fièvre de l’or faisait braver ces dangers, que les mormons avaient les premiers courageusement affrontés par attachement à leur foi. On connaît le grand exode de ces étranges sectaires accompli entre les derniers états de l’ouest qui les rejetaient de leur sein et le Lac-Salé de l’Utah.

La route si péniblement ouverte par les savans et les pionniers fut bientôt améliorée par les colons, et le jeune état de Californie lança successivement à travers le lointain far-west, dépouillé désormais de tous ses mystères, plusieurs services réguliers de diligences. Ces services, sous le nom d’overland mails ou malles transcontinentales, reliaient le Sacramento au Missouri et au Mississipi, et en trois semaines portaient les voyageurs et les dépêches de San-Francisco à Saint-Joseph ou à Saint-Louis. La ligne suivie par Fremont et les émigrans était celle que parcourait le coche ou stage. Aucun ingénieur, aucun corps des ponts et