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universel ; mais nous ne produisons pas les résultats naturels de ce système électoral, parce que nos lois politiques ne nous assurent point encore les libertés nécessaires. Nous venons d’avoir, à propos du renouvellement des conseils-généraux, une petite récréation électorale où, malgré quelques résultats excellens, on a pu voir combien en l’absence de toute organisation de parti nous sommes enfantins dans la pratique du suffrage universel. La masse des électeurs est formidable, elle se compose de millions ; mais à travers cette masse il n’y a d’autre organisation que celle de l’état. L’électeur français, surtout le paysan dans les campagnes, est un citoyen isolé qui a, sous la forme et dans le nombre des fonctionnaires hauts et subalternes, tout le gouvernement en face de lui. Qu’on se représente l’étrangeté de ce duel d’un paysan et d’un gouvernement devant l’urne électorale, et l’on n’aura pas de peine à comprendre la docilité que le suffrage universel montre dans nos campagnes. e. forcade.




ESSAIS ET NOTICES.

LE CHEMIN DE FER INTEROCÉANIQUE DE NEW-YORK À SAN-FRASCISCO.

Du jour où les Américains ont conquis la Californie et l’ont si brillamment colonisée, ils ont songé à joindre par le chemin le plus court et le plus facile le jeune état du Pacifique aux anciens états de l’Union. De la ville impériale, comme les Yankees se plaisent à nommer leur grande métropole New-York, se détache un faisceau de railways qui presque tous prennent la direction du Mississipi et du Missouri, portant jusqu’aux confins des derniers états qu’arrosent ces deux cours d’eau la vie et le mouvement. Le problème à résoudre était donc dès l’abord celui-ci : détacher d’un point quelconque du Missouri où arrive un des railways partant de New-York une nouvelle voie ferrée marchant vers le Pacifique et allant à la rencontre d’une voie opposée partie de San-Francisco et se dirigeant vers le Missouri. Un problème posé est chez les Américains à moitié résolu. En 1859, on ne comptait pas moins de sept projets qui avaient été étudiés sous la surveillance du département de la guerre à Washington, et qui tous avaient pour but le tracé de la grande ligne transcontinentale entre le Mississipi ou l’un de ses affluens et l’Océan-Pacifique. La distance moyenne à franchir était de 2,000 milles américains[1] ou 800 lieues de 4 kilomètres : c’est la distance qui sépare Lisbonne de Saint-Pétersbourg. Le coût total de l’établissement de la voie, d’après les devis, variait entre 600 et 850 millions de francs. Ces

  1. Le mille terrestre américain est à peu près égal à 1,610 mètres.