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dire loyalement son opinion sur les questions qui l’intéressent sans provoquer de la part de la Prusse de feintes alarmes, des clameurs factices et des procédés discourtois. Le calme, le sang-froid, la politesse, sont les qualités naturelles des états qui ont la conscience de leur force. Si le cabinet de Berlin gardait ses habitudes querelleuses, il rendrait la politique pacifique bien difficile à la France. En trois circonstances depuis un an, le gouvernement prussien a suscité au gouvernement français des contrariétés. Après Prague, il n’a point voulu nous accorder de rectifications de frontières. Le gouvernement français n’insista point, et la circulaire de M. de La Valette fut écrite ; mais alors la modération de la France pouvait se comprendre : la totalité de l’agrandissement prussien n’était point encore visible ou prévue. La vérité s’est démasquée depuis ; les traités militaires avec les états du sud ont été révélés, le Zollverein a été renouvelé, l’union de l’Allemagne sous la primauté prussienne s’est accomplie aux trois quarts. Notre gouvernement, après ce développement excessif des résultats de la guerre de 1866, a négocié avec la Hollande l’acquisition, du Luxembourg. Le cabinet de Berlin, devant l’arbitrage européen, a bien consenti à évacuer l’ancienne forteresse fédérale, mais il a empêché la cession, et nous a traversés dans un dessein qui à notre avis n’était ni utile ni opportun, mais qui eût dû paraître bien innocent à des gens qui, secondés par la neutralité bienveillante de la France, venaient de s’annexer le Hanovre, la Hesse et Francfort. Enfin nous avons eu la petite alerte du Slesvig, que nous terminons assez gauchement en mettant que nous n’avons rien dit. Il serait imprudent à la Prusse de nous fournir de la sorte un dossier de récriminations. M. de Bismark doit le comprendre et le savoir ; si la politique française obéissait à un emportement semblable à celui qu’il montre dans les affaires, les sujets de querelles ne nous manqueraient point avec lui. Les violentes et rapides conquêtes de la Prusse font parmi nous réfléchir bien des esprits sérieux et échauffent des sentimens énergiquement trempés de patriotisme. Il est des gens chez nous, comme l’auteur d’une vigoureuse brochure qui vient de paraître, M. Paul de Jouvencel, qui ne seraient point en peine pour répondre à la théorie prussienne de l’unité germanique par une théorie patriotique savante et profondément pensée. Les motifs de guerre ne manqueraient point, si nous étions d’humeur belliqueuse et impatiente. Notre raisonnement sur le Luxembourg a eu le pouvoir de décider la Prusse à évacuer la forteresse ; n’est-il pas évident que le même raisonnement s’appliquerait avec une parfaite logique aux anciennes forteresses fédérales de notre côté du Rhin maintenant que, d’une confédération qui était une machine à délibérations sans fin et privée de force offensive, elles passent à la discrétion d’un gouvernement dont la force d’agression a été tant accrue ? Il est incontestable que l’action militaire des traités de 1815 contre la France est profondément ag-