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elles là ? La France et la Prusse demeureront-elles quelque temps encore sans communiquer entre elles par des ambassadeurs ? Les congés actuels ne sont-ils que le prélude d’un changement des personnes usées par un trop long et trop laborieux frottement dans les relations des deux cours ? L’avenir nous l’apprendra. Quant au présent, il a repris tout à coup et pour quelques jours un air calme, grâce à des articles du Moniteur qui ont arrêté par leur sereine candeur et leur bonhomie pacifique les ébullitions prussiennes et italiennes.

La rôle du Moniteur dans ces échauffourées restera dans les souvenirs comme un curieux épisode de ce temps-ci. On n’a pas un langage plus conciliant, un ton plus paterne. Les explications du Moniteur ont tout atténué. Vis-à-vis de la Prusse, on n’a jamais eu la pensée de s’immiscer dans le règlement de la question du Slesvig. Il n’y a pas eu de note à ce sujet ; si notre jeune chargé d’affaires, M. Lefebvre, a causé du Slesvig avec le suppléant temporaire de M. de Bismark, ce n’est point pour exprimer une exigence de médiateur, c’est pour rappeler une vieille opinion de la France, qu’elle avait exposée bien avant le traité de Prague à la conférence de Londres délibérant sur la question des duchés. La prise d’armes de la presse prussienne, égarée par une amplification indiscrète, n’avait donc pas de cause sérieuse. Les susceptibilités italiennes n’avaient pas plus de fondement. Le voyage du général Dumont à Rome n’a point été une mission politique ; le général n’a point prononcé le discours que la presse italienne lui avait attribué. La France reste dans les termes de la convention de septembre. Elle n’entend donner aucun ombrage à l’Italie par une apparence d’intervention à Rome. Rien de plus édifiant sans contredit que ces assurances pacificatrices du Moniteur. Il est pourtant fâcheux qu’elles aient été nécessaires, et il est douteux que leur influence conciliante soit durable. Il ressort en effet des deux alertes qu’on vient de traverser des faits graves qui survivent à toutes les explications. Il faut avouer d’abord que, si la France doit voir des amis dans les gouvernemens italien et prussien, ce sont des amis bien hargneux et d’un caractère bien difficile : nous avons compagnie avec ce qu’on peut appeler en franc gaulois de mauvais coucheurs ; puis, malgré les replâtrages du Moniteur, les questions qui produisent ces alertes continues subsistent toujours, et il reste à en parcourir à bref délai les développemens les plus difficiles ; enfin, si la politique française a la prétention d’en ajourner la solution décisive en affectant de les ignorer, il faudrait que cette politique de concentration et d’attente fût plus serrée, plus prudente, plus habile qu’elle ne l’a été depuis un an ; il faudrait qu’elle eût l’adresse d’éviter de fausses démarches qui, ne trahissant, que des velléités épisodiques et n’étant point déterminées par des résolutions allant au fond des choses, nous placent dans des situations désagréables pour l’honneur français.