Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/1049

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fontaines publiques ; mais l’eau qui s’en écoule est assez médiocre en tant que boisson, elle contient une forte dose de sels dissous et n’arrive d’ailleurs qu’altérée par un long trajet à ciel ouvert, trop chaude ou trop froide suivant la saison. Elle ne débouche pas assez haut pour arroser le sommet des buttes comprises dans l’enceinte des fortifications. Quelques années plus tard, le puits artésien de Grenelle parut un moyen nouveau et fécond de pourvoir aux besoins croissans de la population. En réalité, ce puits n’a jamais donné qu’un millier de mètres cubes par jour, encore l’eau en est-elle tiède et fade. Enfin de puissantes pompes à feu installées à Chaillot en 1851 permirent d’arroser une grande partie de la ville avec l’eau de Seine, mais sans remédier aux défauts bien connus de ce mode d’alimentation.

Lorsque la question fut mise à l’étude il y a treize ans environ, Paris recevait chaque jour 148,000 mètres cubes d’eau, dont 104,000 amenés par le canal de l’Ourcq, 41,000 puisés à la Seine au moyen de machines à vapeur, et le reste fourni par le puits de Grenelle, l’aqueduc d’Arcueil et diverses sources. En tant qu’il ne s’agissait que du nettoiement des rues, cela pouvait sembler suffisant, car il n’importe guère que l’eau versée sur le pavé soit plus ou moins pure et chargée de sels calcaires ; mais pour la boisson, pour la distribution à domicile, pour la consommation industrielle, une eau de cette nature était intolérable. Au reste, la quantité faisait défaut, car l’arrosage public eût absorbé le tout à lui seul par les chaudes journées d’été. Il s’agissait de découvrir quelque part un complément journalier de 200,000 mètres cubes au moins, dont la moitié, si ce n’est plus, devait être disponible sans délai. Le plus simple, au dire de bien des gens, eût été d’installer au bord de la Seine de nouvelles machines à vapeur pour refouler l’eau du fleuve jusqu’à des réservoirs creusés sur les points culminans. A ceux qui prétendaient que la Seine, réceptacle des immondices des rues et des résidus industriels, ne possédait pas les qualités requises pour la consommation individuelle, les partisans de ce système répondaient que les eaux seraient filtrées et que les bouches d’aspiration seraient reléguées au pont d’Ivry, en amont de toutes les fabriques et de toutes les ouvertures d’égouts. Certains faiseurs de projets prétendaient même se passer de machines à vapeur. Il n’y avait, disaient-ils, qu’à barrer la Seine et employer comme force motrice la chute d’eau créée par ce barrage. N’est-ce pas ainsi que Versailles est approvisionné par les roues hydrauliques de Marly ? Les adversaires des moteurs mécaniques faisaient remarquer que les machines colossales de Chaillot n’étaient déjà capables de fournir qu’une très faible partie de l’eau nécessaire à la consommation