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royal venait tout changer. — Le 24 juin à la même heure, Govone se tenait victorieux sur les hauteurs de Custoza, l’immobilité de della Rocca laissait périr la victoire. Un retard dans l’arrivée du prince royal eût fait peut-être de la Prusse la vaincue de Sadowa ; une inspiration heureuse sur le Mincio pouvait faire de l’Autriche la vaincue de Custoza. C’est l’Italie au contraire qui succombait. Qu’on ne s’y trompe pas cependant, cette journée, qui était une défaite et encore plus un malheur qu’une défaite, montrait qu’une armée italienne existait. Elle s’était comportée, cette armée, de façon à inspirer à l’archiduc Albert lui-même ce mot de bon goût : « On ne peut refuser à l’ennemi ce témoignage, qu’il s’est battu avec obstination et avec bravoure. Ses premières attaques surtout étaient impétueuses, et ses officiers donnaient le bon exemple à leurs soldats. »

En réalité, il n’y avait eu que trois divisions du 1er corps et deux divisions du 3e corps qui avaient été sérieusement et fortement engagées, seules elles s’étaient battues pendant douze heures. La division Pianelli, si heureuse et si décisive que fût l’inspiration de son chef, n’avait eu qu’un rôle relativement épisodique, et n’était pas entrée à fond dans la lutte. Les deux divisions du prince Humbert et de Bixio, les premières au feu dès le matin, n’avaient eu à soutenir qu’un combat brillant, mais court, qui ne s’était plus renouvelé de la journée. Le 2e corps tout entier était resté en dehors de l’action, et n’avait pas eu un seul homme au combat. C’était donc, tout compte fait, une force de 50 à 60,000 hommes au plus qui avait tenu tête pendant toute la journée aux 5e, 7e et 9e corps de l’armée autrichienne, successivement engagés et devant s’élever avec la division Rupprecht à près de 80,000 hommes. Govone seul eut un instant sur les bras, à la fin de la journée, 40,000 hommes, accumulés pour enlever Custoza. Autre fait : les Italiens avaient eu en officiers ou en soldats un peu plus de 700 morts et près de 3,200 blessés ; les Autrichiens avaient près de 1,200 morts et plus de 3,500 blessés. Il y avait, il est vrai, du côté italien un plus grand nombre de prisonniers et d’absens. la perte au feu ne restait pas moins à peu près égale et même un peu à l’avantage de l’armée italienne. Enfin un dernier fait qui ne laisse pas d’être curieux et significatif : le soir du 24, les Italiens étaient sans doute vaincus et avaient échoué dans leur tentative ; à cinq heures et demie, Govone quittait Custoza, et vers la même heure il n’y avait plus autour de Valeggio qu’une défense désorganisée, qui cessait même par la retraite qu’ordonnait dangereusement Sirtori en la couvrant d’ailleurs de sa personne. Cependant les Autrichiens n’occupaient définitivement Custoza qu’à sept heures, et ils n’allaient pas même jusqu’à Valeggio, si bien qu’un régiment de Govone y passa la nuit et ne se