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énergique résolution. Cugia avait enlevé Monte-Croce aux Autrichiens ; Govone à son tour avait repris Monte-Torre. Une fois là, Govone avait laissé un peu respirer ses troupes, harassées de leur longue marche ; puis, s’élançant de nouveau, il avait assailli à son sommet le village de Custoza et avait réussi à s’en emparer. Maître de ces positions, Govone s’y défendait énergiquement, et bientôt, prenant lui-même l’offensive, il poussait jusqu’aux hauteurs du Palazzo-Maffei, du Belvédère, qui restaient encore entre ses mains. De ce côté, on n’avait pas seulement regagné le terrain disputé par Brignone, on avait fait des progrès, et ce n’étaient pas les derniers.

Ainsi donc à dix heures du matin voilà une bataille perdue ; entre midi et deux heures, voilà une bataille rétablie. Maintenant supposez au milieu de cette armée une supériorité de direction égale au patriotisme et à la bonne volonté ; supposez un commandement placé sur quelque point central, tel que le Monte-Mamaor, entre Custoza et Valeggio, bien servi, bien informé, connaissant le terrain comme devaient le connaître des hommes qui l’avaient disputé aux Autrichiens dix-huit ans auparavant, embrassant l’ensemble d’une opération, animant tous les chefs d’un même esprit, prompt à tirer parti des circonstances : cette bataille rétablie aurait pu devenir sans doute une victoire définitive. Un esprit fait pour maîtriser ces grands hasards qui s’appellent des batailles aurait vu peut-être que dans cette situation, telle qu’elle apparaissait entre midi et deux heures, il y avait encore de singulières ressources, et que les Autrichiens eux-mêmes avaient leurs points faibles, notamment cette gauche laissée vide depuis la défaite de Pultz, — qu’en demandant simplement à Pianelli, à Durando, à Sirtori, de maintenir leurs positions, et en les soutenant au besoin, si on avait pu appeler quelque force du 2e corps, on pouvait se servir des deux divisions qui restaient inactives depuis le matin à Villafranca pour les jeter dans la direction de Sommacampagna, sur le flanc et sur la ligne de retraite des Autrichiens. Un homme fait aux grandes opérations de la guerre eût vu cela peut-être ou autre chose, et il aurait réussi à tirer parti de ce retour de fortune. Nul assurément n’eût mieux mérité une victoire que le digne La Marmora, ce loyal soldat qui l’avait préparée en faisant l’armée italienne. Malheureusement pendant toute cette journée la direction semble avoir été trop flottante, trop mobile, trop livrée à des impressions partielles. A la confiance excessive du matin succédait tout à coup une certaine défiance de soi-même ; l’impulsion manquait, et c’est ainsi que cette bataille rétablie, par une sorte d’élan spontané, retombait, à partir de deux heures, sous le poids de la fatalité qui la livrait à l’imprévu.

D’un côté en effet, Sirtori, après s’être vigoureusement défendu