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prince Humbert n’avait que le temps de prendre ses dispositions de combat, de former en carré ses bataillons de la brigade de Parme, et de se jeter au milieu de l’un d’eux, — un bataillon du 49e régiment, — attendant de pied ferme, avec une vigueur digne de son sang, le choc ennemi. A une petite distance, un feu violent d’artillerie et de mousqueterie arrêtait net la charge impétueuse de Pultz, qui était obligé de reculer en désordre, laissant le terrain couvert de morts et de blessés, et au même instant deux escadrons d’Alexandrie aux ordres du colonel Strada s’élançaient sur les hulans autrichiens, qu’ils reconduisaient en les sabrant. La charge recommençait bientôt et n’était pas plus heureuse. Les Italiens, animés par leur jeune chef, gardaient la plus ferme contenance. Au bruit du canon, Bixio, qui était en marche, accourait intrépidement, allait se placer à la gauche du prince Humbert, formait également en carré les bataillons d’une de ses brigades, et il était à peine en position qu’il se voyait à son tour assailli par la cavalerie autrichienne sans lui laisser prendre plus d’avantages. Les charges se multipliaient et venaient toujours se briser contre les lignes italiennes. Cette lutte violente durait une heure et demie, et coûtait des pertes considérables à la cavalerie de Pultz, qui de fait se trouva dès ce moment à peu près hors de combat pour lai journée, et ne reparut plus que le soir. Le résultat eût été plus grand encore, si la cavalerie de Sonnaz, appelée à propos, eût pu achever le succès des bataillons du prince Humbert et de Bixio.

Cela n’avait sans doute rien d’extraordinaire que deux divisions tinssent tête aux cavaliers autrichiens ; ce n’était pas moins une heureuse entrée en campagne et dans cette première rencontre il y avait comme une révélation virile. Par une curieuse combinaison, ce bataillon, au sein duquel s’était jeté le prince Humbert, et qui le premier montrait sa fermeté sous le feu, ce bataillon semblait une image de l’Italie nouvelle. Toutes les provinces se trouvaient représentées dans ses rangs. Il y avait 88 soldats du Piémont, 48 de Lombardie, 21 de l’Ombrie et des Marches, 54 de Parme, 6 Toscans, 85 Romagnols, 97 Napolitains, 29 Siciliens, 9 émigrés vénitiens. L’unité nationale se scellait et s’attestait sous la charge autrichienne. Ce combat heureux s’était engagé un peu après cinq heures ; il durait encore, quoique touchant à sa fin, vers six heures et demie, et déjà de proche en proche le feu s’allumait sur toute la ligne ; déjà commençait cette bataille disséminée qui a reçu son nom du lieu même où elle aurait pu devenir une victoire, mais qui en réalité s’agitait sur trois points principaux, avec des chances inégales, au milieu d’épisodes multipliés, brillans ou douloureux.

Ce n’était pas malheureusement partout comme à Villafranca. Pour les trois divisions du 1er corps engagées au même instant