Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/1016

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ordre, et il choisissait une heure étrangement critique. Cette erreur ne pouvait aboutir qu’à doubler la distance qu’il avait à parcourir. Arrivé à Valeggio, il tomba sur la queue de la division Sirtori, qui défilait à peine. Il perdit deux heures, et encore fallut-il qu’on lui fît une place en suspendant la marche des bagages. Sirtori, de son côté, éprouvait à ce même instant une déconvenue d’un autre genre, qui n’était pas moins dangereuse. Par un accident au moins bizarre, son avant-garde, aux ordres du général de Villahermosa, en quittant Valeggio, était trompée par un faux renseignement, et au lieu de tourner à droite, comme elle le devait, pour gagner directement San-Rocco-di-Palazzolo par Viacava, elle continuait à s’avancer sur la route de Castelnovo, tandis que le gros de la division, qui la suivait, prenait son vrai chemin. Il en résultait que sur cette route de Castelnovo Cerale allait avoir deux avant-gardes, celle de Villarey, qui l’attendait, plus celle de Villahermosa, qui s’était trompée, et que Sirtori n’en avait plus aucune.

Comment un pareil fait pouvait-il se produire ? Une erreur était sans doute possible un moment. Il ne reste pas moins étrange que l’erreur ait pu se prolonger assez pour devenir irréparable, qu’une avant-garde ait pu marcher à si peu d’intervalle sans savoir si elle était suivie par le gros de sa division, qu’une division à son tour ait pu continuer son chemin sans savoir si elle était précédée de son avant-garde, et si je relève cette circonstance, c’est qu’elle allait avoir une importance décisive, c’est que de plus ce ne fut pas un fait unique dans une journée où des divisions combattirent à 2 ou 3 kilomètres de distance, presque sans rapports entre elles, à peu près sans rapports avec le quartier-général, réduites le plus souvent à ne juger de leur situation réciproque que par les mouvemens et l’intensité des feux. Ainsi à la gauche de l’armée la journée ne laissait pas de commencer avec un certain trouble. Les deux divisions en marche avaient de la peine à se débrouiller. Il était cinq heures du matin.

Pendant ce temps, le premier bruit du canon retentissait tout à coup à l’extrême droite, vers Villafranca. Que se passait-il de ce côté ? Le prince Humbert, avec la 16e division, marchant en tête du mouvement du 3e corps, était arrivé à Villafranca, qu’il avait un peu dépassée, disposant ses forces sur la route de Vérone, deux bataillons de bersaglieri en avant, la brigade de Parme formée en bataille un peu en arrière, et la seconde brigade de la division adossée au village. Il avait envoyé aussitôt en exploration quelques chevau-légers d’Alexandrie, et ces cavaliers avaient fait tout au plus 2 kilomètres, qu’ils se voyaient assaillis à l’improviste par l’ennemi auquel ils avaient de la peine à échapper. C’était la cavalerie de Pultz qui accourait sur les têtes de colonnes italiennes. Le