Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/1011

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trouvait encore devant la seconde ligne de l’Adige et le puissant boulevard de Vérone, ayant à garder ses communications, à faire face aux retours que les places de Peschiera et de Mantoue permettaient à l’armée autrichienne sur la rive droite du Mincio. Le côté le plus vulnérable au contraire, le vrai point d’attaque, semblait être par le bas Pô. Ce système avait été étudié. Dans le seul discours, si je ne me trompe, qu’il ait prononcé au sénat, discours d’une éloquence virile et toute militaire, le général Cialdini indiquait, une année auparavant, cette éventualité comme une des raisons qui devaient déterminer à assurer fortement la position de Bologne. L’instinct public, qui n’est pas un grand stratégiste, mais qui souvent y voit clair, semblait attendre quelque coup décisif de ce côté.

Ce n’est pas que ce fût une œuvre facile, qui pût être accomplie au pas de course et sans péril. La première condition était d’abord de ne pas laisser la tête de pont de Borgoforte, sur le Pô, entre les mains des Autrichiens, qui par là pouvaient se jeter sur les derrières d’une armée d’opération. En outre le passage d’un fleuve tel que le Pô n’est jamais aisé en face d’un ennemi vigilant. Et, le Pô une fois passé, on se trouvait tout d’abord dans les rizières de Sanguinetto et des vallées véronaises, dans les campagnes marécageuses de la Polésine, c’est-à-dire sur un terrain où l’ennemi pouvait trouver les maladies pour complices ; mais, s’il y avait des difficultés à surmonter, ce n’était pas impossible avec une distribution de forces différente toutefois de celle qui existait, en d’autres termes, avec le gros de l’armée sur le Pô. Par ce côté, une victoire, outre son effet moral, devenait décisive ; les résultats les plus sérieux devaient être obtenus. On pouvait tourner les forteresses. Dans cette hypothèse, l’armée du Mincio, un peu réduite, mais puissante encore, devait agir comme auxiliaire du mouvement principal, manœuvrant au même instant de façon à attirer sur elle au moins une partie de l’armée active autrichienne, l’occupant par ses démonstrations sans engager sérieusement une bataille, jusqu’au moment où le passage de l’armée du Pô et un premier succès lui auraient permis de s’élancer à son tour et de se frayer un chemin.

Quelque chose de cela entrait sans doute dans le plan qu’on se proposait d’exécuter, et c’est le général La Marmora qui le dit lui-même dans son rapport. «… Le commandement suprême de l’armée avait eu la pensée de se jeter hardiment entre les places de Vérone, Peschiera et Mantoue, de les séparer l’une de l’autre et d’occuper entre la plaine de Villafranca et le système de collines de Valeggio, Sommacampagna et Castelnovo, une forte position qui, en appelant à soi l’attention de l’ennemi et de la plus grande partie de ses forces, favorisât le passage du bas Pô, qui devait être effectué par le de corps, alors concentré entre Bologne et