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nombre à l’armée italienne ; elle était supérieure peut-être, — chose étrange, — par la mobilité qui tenait à son organisation, surtout par son artillerie, qui n’était pas meilleure, mais relativement plus nombreuse que celle des Italiens. Enfin, par sa position au centre de ses lignes de défense, elle pouvait rayonner de toutes parts, se porter alternativement vers le Pô ou vers le Mincio, rallier en peu de temps et sur un point donné des forces qui, entre les mains d’un chef habile, avaient la chance de frapper un coup décisif. Ce chef chargé de l’honneur militaire de l’Autriche, ce n’était plus Benedek, qui avait dû à sa vigueur contre les Piémontais, à Solferino, de rester depuis 1859 le commandant de l’armée impériale d’Italie, et que la cour de Vienne, cédant à une opinion publique affolée, venait d’appeler comme un sauveur à l’armée du nord ; c’était l’archiduc Albert, à qui on donnait pour chef d’état-major le général John, Anglais d’origine et l’un des officiers les plus distingués de l’armée autrichienne. L’archiduc Albert, malgré une carrière militaire déjà longue, n’avait pas eu l’occasion de se signaler avec éclat ; mais ceux qui l’approchaient le savaient instruit, modeste autant que capable, actif, et se plaisaient à voir en lui le digne fils d’un illustre père, l’archiduc Charles, autrefois l’antagoniste et l’émule de Napoléon. Ainsi placée, l’Autriche pouvait sans nul doute attendre le choc de l’Italie, puisqu’elle mettait son honneur à livrer un dernier combat.

L’armée italienne, massée dès le commencement de mai dans la vallée du Pô, se distribuait, disais-je, en quatre corps. En réalité, c’étaient presque deux armées distinctes se rejoignant, se touchant par leurs extrémités, se bornant pour le moment à couvrir d’une ligne ininterrompue la Lombardie, l’Apennin, la Romagne, mais paraissant destinée, au jour de l’offensive, à opérer séparément, quoique en se combinant toujours. L’une sous le nom de quatrième corps, comptait à elle seule sept divisions de guerre avec un effectif de plus de 70,000 hommes, et s’échelonnait le long de la voie émilienne, de Reggio à Forli ; elle avait son quartier-général à Bologne, et était confiée à l’impétueux Cialdini, qui, sans être absolument indépendant du commandement général, devait garder une certaine liberté d’action. Les trois autres corps, représentant une force de 120,000 hommes avec une division de cavalerie de ligne commandée par le général de Sonnaz, restaient sous les ordres directs du roi, qui avait pour major-général La Marmora. De ces trois corps, comptant chacun quatre divisions, le 1er, sous les ordres de Durando, campait à Lodi ; le 2e, commandé par Cucchiari, était à Crémone ; le 3e, placé un peu en arrière vers Plaisance, sur la rive droite du Pô, rejoignant d’un côté Cucchiari, de l’autre