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presque assurée à tout événement ; restait maintenant l’œuvre militaire, et celle-là dépendait d’un signal venu d’Allemagne.

Je résume donc ces dates significatives : au mois d’août et même encore au mois d’octobre 1865, l’Italie est en négociation secrète avec l’Autriche, disposée sans doute à payer l’abandon volontaire de la Vénétie, comme aussi toute prête à saisir l’occasion d’une revendication armée. Vers la fin de 1865, tout espoir de cession pacifique s’est évanoui, et la Prusse paraît à l’horizon, ouvrant à la politique italienne une carrière imprévue. Au mois de février 1866, les propositions d’alliance se précisent, s’échangent entre Berlin et Florence, et quelques jours après le traité est signé. Au mois de mai, l’armée s’ébranle en masse et se porte vers la frontière. L’Italie, à cette heure décisive, se déployait dans sa force avec une singulière confiance ; elle marchait au combat d’un pas tranquillement résolu, redoutant les lenteurs ou les diversions de la diplomatie bien plus que la guerre. Il lui semblait qu’elle n’irait jamais assez tôt se heurter contre l’Autriche, qui l’attendait dans ses lignes redoutables, entre ses quatre forteresses du Vénitien. Cette confiance n’avait rien d’extraordinaire. L’armée italienne était jeune ardente et nombreuse. Elle avait été depuis six ans l’objet de tous les soins et de toutes les prédilections du pays, impatient de montrer sa puissance militaire. Dans sa composition nouvelle, elle était principalement l’œuvre de deux hommes, — l’un, le général Manfredo Fanti, vieux soldat modenais exilé en 1831, qui avait servi en France et en Espagne avant de rentrer dans l’armée piémontaise en 1848, qui depuis avait pris part à toutes les campagnes et s’était trouvé ministre de la guerre en 1860, au moment de la fusion de toutes les provinces italiennes, — l’autre, le général Alfonso La Marmora, le vrai réorganisateur de l’armée sarde après Novare, le chef brillant de l’expédition piémontaise en Crimée, le ministre de la guerre presque invariable depuis quinze ans, et qui se trouvait encore président du conseil à l’approche des hostilités nouvelles. Du travail énergique de ces deux hommes, secondés de bien d’autres, était sortie une armée où se mêlaient les élémens les plus divers, soldats réguliers de toutes les provinces, volontaires de Garibaldi, mais qui en peu de temps, par sa cohésion, par son esprit discipliné et fidèle, était devenue l’image sensible et virile de l’unité.

L’armée italienne pouvait s’élever à 450,000 hommes ; mais en tenant compte de tout, — nécessités intérieures, dépôts, corps en formation, etc., l’armée, la véritable armée d’opération, réduite à ce qui pouvait être immédiatement conduit au feu, comptait 225,000 hommes, distribués en vingt et une divisions de guerre, formant elles-mêmes quatre corps d’armée. A la tête de ces forces