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comparaison peut seule faire taire les passions égoïstes, car elle éveille en nous ce sentiment naturel de justice auquel il est si difficile à l’honnête homme de résister.

Il est certain que les ouvriers peuvent faire aux patrons un mal irréparable. Une coalition prolongée ne tarderait pas à causer la faillite et la destruction définitive des manufactures les plus puissantes ; il est même probable que la ruine serait d’autant plus prompte que la maison aurait plus d’importance. A leur tour, les patrons peuvent, en se coalisant, condamner les ouvriers à la misère. Cette lutte serait tellement meurtrière qu’elle est impossible. Le besoin de s’entendre est si clair pour tous les intéressés, que la transaction ne peut être que prompte. En créant un danger pour les patrons, la loi leur a donné le moyen de se défendre. Il y a là deux forces qui se font contre-poids et se corrigent réciproquement. Si elles entraient en conflit, elles amèneraient de véritables désastres ; mais l’opposition normale de deux coalitions toujours possibles doit produire un équilibre rassurant par la crainte salutaire du mal. Les guerres n’ont-elles pas été rendues moins meurtrières par le développement des moyens de destruction ? Si elles ne sont pas plus rares, ne sont-elles pas plus promptement terminées ? On peut dire aussi avec vérité que la liberté des coalitions rendra un jour les coalitions inutiles.

Par quels moyens préventifs la lutte sera-t-elle empêchée ?


IV.

Au fond de tous les problèmes sociaux, il y a une question d’enseignement. Quoi d’étonnant, puisque la plupart des maux viennent de l’ignorance ? Si les rapports du capital et du travail étaient mieux connus, l’antagonisme serait rare, parce que la lumière séparerait les combattans. Les patrons commettent donc une étrange erreur lorsqu’ils traitent l’économie politique de science importune et ennemie. La propagation de cet enseignement préviendrait plus de désordres que la force n’en saurait réprimer. Malheureusement la science est un moyen qui n’agit qu’à long terme, et d’ailleurs, pour l’employer, il faut encore se débarrasser des entraves qu’opposent aux idées les plus justes la routine triomphante et l’aveuglement des intéressés. Ne trouverons-nous pas un remède dont l’effet soit plus prochain ?

D’après une opinion très répandue dans les ateliers, il faudrait rétablir les corporations afin de protéger le faible contre le fort. Cette visée est l’épouvantail des patrons, qui croient qu’une telle combinaison rendrait la coalition permanente. Les ouvriers ont à