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autre cause plus chère encore à son cœur, celle des intérêts exclusivement religieux. Lorsqu’un peu remis de cette première mésaventure, le pieux pontife s’était efforcé d’appeler l’attention de l’empereur sur les réclamations qu’il se croyait en droit d’élever contre les articles organiques, il avait vu se dresser devant lui une résistance non moins invincible.

Le chef de la nouvelle dynastie s’était si complètement substitué aux souverains ses prédécesseurs, il était de si bonne foi devenu à ses propres yeux leur héritier direct, qu’il n’y avait pas, dans les matières ecclésiastiques comme dans tout le reste, une seule de leurs prérogatives, si contraire qu’elle fût à l’esprit des temps modernes, qu’il n’entendît exercer à son tour dans toute sa plénitude. Louis XIV était devenu son modèle et Bossuet son oracle. Au même titre que ce fils aîné de l’église qui avait eu Le Tellier pour confesseur, et s’était, par ardeur de prosélytisme, fait le persécuteur de ses sujets protestans, Napoléon, tout en affectant de ne professer aucun des dogmes chrétiens, et de vouloir rester par principe et par goût le protecteur indifférent des religions les plus diverses, tenait à garder la haute main sur le choix, sur la direction du clergé catholique, et à en régler par mesures de police le culte extérieur. Sur ce terrain, Pie VII trouva son redoutable adversaire armé encore de toutes pièces. La discussion, en se prolongeant, l’avait même rendu de plus en plus intraitable, car c’était le propre du caractère de Napoléon de s’animer par la contradiction, de profiter alors de tous ses avantages et de chercher à reprendre en détail ce que, en gros et de bonne grâce, il avait d’abord été tenté d’accorder. Ainsi rien de satisfaisant n’était résulté de l’entrevue personnelle entre Pie VII et l’empereur. Hormis d’assez larges libéralités accordées à des établissemens religieux et de très vagues promesses tout de suite oubliées, le malheureux pontife n’avait rien obtenu. Pour unique récompense du grand acte de complaisance qui lui avait tant coûté, auquel l’avait principalement porté l’attente d’une satisfaction territoriale à obtenir pour le saint-siège et d’un grand avantage à procurer à la religion, il avait rapporté à Rome la désolante certitude que l’empereur était résolu à garder les Légations, et ne consentirait jamais à modifier les articles organiques.

De si cruels déboires succédant à de si chères espérances, qui ne se serait attendu à voir le saint-père quitter son hôte des Tuileries dans des dispositions irritées et malveillantes ? Il n’en fut rien cependant. S’il avait été péniblement affecté d’avoir aussi mal réussi dans les tentatives où il avait mis toute l’ardeur de son zèle, l’échec qu’il avait essuyé n’avait excité chez Pie VII aucun amer ressentiment. De ces entretiens restés sans effet sur son impassible interlocuteur, il était sorti tristement désappointé, mais nullement