Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 69.djvu/87

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à peine gagner une octave de plus. Chaque larynx a ses servitudes : la basse-taille, le ténor, le baryton, l’alto, le soprano, ne peuvent échanger leurs rôles. La gamme de l’oreille est infiniment plus étendue que celle de la voix : preuve que l’homme n’est pas seulement fait pour s’écouter lui-même.

En résumé, M. Helmholtz, en démontrant d’une manière expérimentale et à l’aide d’instrumens nouveaux, le caractère composite du son, a opéré dans l’acoustique toute une révolution. Sa fine analyse fournit les moyens de retrouver tous les élémens qui constituent des notes quelconques, et qui, sur des instrumens divers, leur communiquent cette qualité particulière que dès longtemps on a qualifiée du nom de timbre. Elle permet de classer au point de vue de la richesse harmonique tous les instrumens de musique, elle donne le secret de leurs vertus comme de leurs défauts, et explique le charme de la voix humaine en même temps que les délicates métamorphoses qui nous permettent de créer à volonté ces timbres distincts que l’on nomme les voyelles.

Non content d’expliquer comment naît le son, comment, suivant les circonstances, il se charge d’harmoniques plus ou moins nombreuses, M. Helmholtz nous fait voir aussi de quelle façon s’opère la sensation musicale. L’oreille est un véritable prisme acoustique ; elle décompose toute note en ses vibrations élémentaires ; chaque fibrille nerveuse retient dans un concert quelconque un seul mouvement : les sensations sont toujours localisées, et la synthèse de l’impression ne se refait que dans le nerf acoustique, dont les fibres du limaçon sont les derniers rameaux dressés continuellement vers le monde externe. Resterait à montrer que la loi de décomposition du son en notes multiples, que M. Helmholtz a si bien établie, renferme aussi le secret de l’harmonie. Les accords en effet naissent spontanément dans un son fondamental, qui s’accompagne de ses échos naturels. Aussi, après avoir fait l’analyse du son, M. Helmholtz a-t-il complété son œuvre en recherchant dans cette analyse même les lois de la combinaison des notes. Il a réussi ainsi à jeter une lumière nouvelle sur la création des gammes et sur les développemens de la musique, monophone et déclamatoire chez les Grecs, chorale et encore purement mélodique au moyen âge, de nos jours enfin devenue tout harmonique.

Auguste Laugel.