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réunion sous ses auspices des deux groupes de tribus séparés depuis la mort de Salomon. Il vengera son peuple des violences et des iniquités dont il a souffert. Sa domination sera subie par la terre entière, et il se servira de son pouvoir pour faire régner partout la justice, la vérité et la paix. Alors commencera une ère de félicité pure. Plus de crimes, plus d’oppression, plus de guerres. Le lion et l’agneau, le petit enfant et la vipère, joueront ensemble. La vie humaine sera prolongée au-delà d’un siècle. Une série sans fin de messies succédera au Messie proprement dit. fondateur du royaume messianique, et perpétuera l’état de chose inauguré par lui.

Quant au moment de sa bienheureuse apparition, les prophètes sont sobres d’indications. Toutefois il est visible qu’ils ne se la représentent jamais comme très éloignée. Quand les grandes déportations d’Israélites en Assyrie et en Chaldée furent consommées, on espéra que la venue du Messie coïnciderait, soit comme cause, soit comme effet, avec le moment du retour des exilés, retour dont les principes du prophétisme ne permettaient pas de douter. On crut cette venue imminente lorsque Zorobabel ramena à Jérusalem la première colonne des Juifs fidèles, et Zorobabel, dont la généalogie remontait à David, passa lui-même dans quelques esprits, pour le messie attendu.

Cependant, il faut le répéter, rien de fixe, rien qui ressemble à une doctrine officielle du messianisme ne peut être déduit de l’ensemble des écrits des prophètes. Bien plus tard, dans les deux siècles qui précèdent l’ère chrétienne, la théologie rabbinique tâcha de systématiser les données éparses des prophètes, et il sortit de ce travail une doctrine un peu moins flottante, toutefois sans que rien, en dehors de quelques traits généraux, fût définitivement arrêté. Aujourd’hui même, je ne pense pas qu’il en soit autrement dans le judaïsme bien compris. De plus, on aurait grand tort de s’imaginer que ces perspectives idéales aient été l’objet constant ni même principal des discours prophétiques. C’est l’usage que les chrétiens en ont fait pour prouver que Jésus était le vrai messie qui a répandu cette opinion. L’espérance messianique en général est pour les prophètes quelque chose d’analogue à la prédication de la vie future chez les orateurs chrétiens, un motif d’action, une promesse ou une menacé, une péroraison qui console ou qui encourage. Le sujet proprement dit des prophéties est presque toujours autre. C’est, par exemple, ce que le peuple doit voir dans les calamités qui vont fondre sur lui, ce qu’il doit faire pour apaiser le céleste courroux, ce qu’il doit réformer dans ses habitudes ou dans ses plaisirs ou dans ses actes religieux. C’est aussi et souvent une satisfaction donnée au sentiment patriotique dans l’annonce des malheurs qui