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supérieures du clavier. Dans un second appareil, tout semblable d’ailleurs à celui que nous venons de décrire, M. Helmholtz ajouta quatre harmoniques plus aiguës aux précédentes, et il put s’élever ainsi librement jusqu’à l’a et à l’e ; l’i échappait encore, parce que le timbre particulier de cette voyelle est dû à une harmonique suraiguë que le courant ne fait plus vibrer assez fortement. Le problème de la synthèse des voyelles n’en était pas moins résolu en principe. Le détail ne regarde plus que les constructeurs d’appareils de physique ; mais aucun des grands établissemens scientifiques de notre pays n’a encore fait construire de piano à voyelles, et l’on conçoit qu’un physicien ne puisse souvent faire lui-même de tels appareils, nécessairement fort coûteux.


IV

L’analyse qui précède était indispensable pour bien faire comprendre le caractère de l’oreille, car après l’instrument vocal il faut étudier l’instrument auditif. C’est encore à M. Helmholtz qu’on doit d’avoir enfin pénétré le secret de ce petit appareil bizarre, caché aux profondeurs de la tête et d’une anatomie si étrangement compliquée. Ce que nous apercevons de l’oreille au dehors est peu de chose, un simple porte-voix : le secret est au dedans, dans la partie la plus cachée où, de proche en proche et par un véritable dédale, aboutissent les vibrations du dehors. L’oreille ne sent, n’apprécie en aucune façon la forme géométrique des ondes sonores qui viennent mourir contre ses parois ; mais elle jouit de cette étonnante propriété de reconnaître dans l’onde totale toutes les ondes particulières qui la composent. Les ondes simples ou répondant à des notes élémentaires sont seules perçues à l’extrémité de l’appareil auditif. Là, l’oreille décompose naturellement les sons, comme le prisme décompose les couleurs. Cette faculté extraordinaire donne la clé de la sensation auditive. Pour bien comprendre ce phénomène, examinons un moment ce qui se passe dans un clavier ordinaire, si l’on vient à chanter une note avec force au-dessus des cordes, en leur donnant toute liberté de vibrer. L’onde sonore composite qui part de la bouche rencontre toutes les cordes, mais elle ne remue sympathiquement que celles dont les vibrations s’accordent avec une des harmoniques de la voix ; chaque corde choisit l’onde composante qui lui convient, et la retient en laissant passer toutes les autres. Quatre, cinq, six cordes même, entreront en vibration, bien que l’onde issue de la bouche soit géométriquement, matériellement, une onde unique ; chantez a, et la caisse du piano