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Les découvertes auxquelles je viens de faire allusion nous viennent de l’Allemagne et de l’Angleterre. Elles ont conduit à la construction de machines électriques sans frottement et d’appareils magnéto-électriques sans aimant et sans pile. C’est la transformation la plus directe, la plus immédiate du mouvement en électricité statique ou dynamique. Toutefois cette transformation ne s’opère pas, il faut l’avouer, d’emblée et pour ainsi dire sans cérémonies. Les nouvelles machines ont besoin d’être amorcées avec une quantité minime de fluide tout préparé, sorte de ferment électrique qui détruit l’équilibre originel des polarités opposées, en réveille l’antagonisme endormi, et excite le jeu des manifestations diverses dont l’ensemble s’appelle magnétisme, électricité, courans voltaïques, etc. Ensuite on n’a plus qu’à tourner une manivelle pour entretenir les courans ou les jets d’étincelles ; ils s’alimentent directement de la force mécanique qui produit la rotation d’un disque de verre ou d’un cylindre de fonte. Cet effet est surtout sensible lorsqu’on fait tourner les volans à force de bras : au début de l’expérience, cela va tout seul ; mais, dès que l’on voit venir les étincelles, une résistance invisible pèse sur la roue, et l’on sent qu’on dépense sa force en feu et en bruit au bout des conducteurs entre lesquels jaillit l’électricité.

Dans l’ordre des dates, les machines électriques sans frottement doivent être citées les premières. Ce sont des espèces d’électrophores à effet continu ; mais il est plus facile de les caractériser ainsi en deux mots que d’en faire comprendre le fonctionnement, lequel a, même pour les physiciens, beaucoup d’imprévu et de mystérieux. Nous allons cependant essayer d’en donner une idée. Tout le monde connaît le vulgaire gâteau de résine que l’on fouette avec une peau de chat pour l’électriser, après quoi on appuie sur la résine un plateau de fer blanc ou de bois garni de feuilles d’étain que l’on touche d’abord avec le doigt, et qu’on trouve chargé positivement lorsqu’on le soulève ensuite par le manche isolant de verre. C’est l’électrophore ordinaire. Voici comment on peut en concevoir les effets. L’électricité négative de la résine décompose par influence les deux fluides[1] réunis dans le plateau métallique ; le doigt qui touche le plateau absorbe le fluide négatif pendant que l’autre, le fluide positif, est retenu par la résine. En soulevant le plateau, on rompt le charme, le fluide positif reprend sa liberté. Le plateau est chargé ; si on le touche, on en tire une étincelle. Alors il ne renferme plus rien : pour le recharger, il faut le poser de nouveau sur le gâteau de résine et recommencer les mêmes manipulations. Sous cette forme primitive, l’appareil ne saurait évidemment pas rendre de grands services, car on n’a aucun moyen d’accroître le rendement électrique de la résine. Si elle garde fidèlement et longtemps le fluide déposé,

  1. En attendant que nous sachions ce que c’est que l’électricité, il sera permis de conserver, par habitude de langage, le mot fluide.