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à éliminer ces corps étrangers. L’affinité de l’oxigène de l’air étant à peu près égale pour le fer et le phosphore, le départ par voie d’oxidation s’en opère dans les proportions relatives du composé ; on ne gagnerait donc rien à prolonger l’opération, si ce n’est d’augmenter considérablement les déchets. D’ailleurs la faible quantité de carbone contenue dans la fonte est promptement brûlée, et on arrive alors à la réduction en fer, lequel est difficilement maintenu à l’état liquide. Il y a donc là des objections très sérieuses, des additions à faire, des vides à combler. Des savans autorisés s’en occupent, et dans le nombre un exposant, M. Bérard, qui a fait de Montataire son laboratoire d’essai. Il semble combiner l’emploi des gaz avec celui de l’air, en réglant leurs effets réciproques par des rapports de quantité. Le principe sur lequel il s’appuie consisté à agir sur la fonte à l’état liquide alternativement par oxidation ou par voie de réduction, de manière à éviter les déchets ; puis par des dispositions heureuses il maintient un équilibre convenable de température dans toutes les parties de l’appareil et à tous les degrés de l’opération.

Tel quel, et malgré les imperfections que nous venons de signaler, le procédé Bessemer n’en est pas moins appelé à laisser une date dans le travail du fer. Il est désormais acquis et bien acquis qu’on peut directement et sur une grande échelle, convertir la fonte en un métal très voisin de l’acier fondu, tandis qu’il fallait naguère, pour des produits analogues, opérer dans des creusets de la contenance de 25 à 30 kilogrammes, comme on en voit dans des cabinets de savans. La grande industrie a été substituée ainsi à des ateliers d’échantillons. Quand on aura mieux déblayé la voie, ouvert accès à la généralité des fontes, donné au traitement des formes plus rigoureuses, imprimé quelque régularité à la fabrication, surtout mis un terme à des déchets ruineux, de belles perspectives s’ouvriront devant cette régénération de l’industrie du fer. On a vu quels débouchés lui sont acquis déjà et à quels besoins de premier ordre elle satisfait ; ce n’est là qu’un germe, et on peut en juger par l’accueil que font aujourd’hui les compagnies de chemins de fer à des propositions qu’autrefois elles n’auraient traitées qu’avec dédain. Au début, il n’était question que de tronçons exposés à une grande fatigue ; on parle maintenant de portions de voies, plus tard il s’agira de voies entières. Ici comme ailleurs, on comprendra qu’une dépense bien faite est parfois une économie. L’acier est, à tout prendre, le métal par excellence pour des œuvres où l’on vise à la durée. Il se fond et se marie à d’autres matières comme la fonte ; il se soude, se martèle, se lamine et s’étire comme le fer ; par la trempe, il acquiert une dureté qui n’exclut pas l’élasticité ;