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mots. La dépense est indirecte ; au lieu de brûler du charbon, on brûle du fer. Le procédé consiste en effet à faire traverser un bain de fonte par un courant d’air à forte pression qui y détermine un bouillonnement violent, et y pousse la température jusqu’au point de fusion du fer. Aucun spectacle n’agit plus vivement sur l’œil ; c’est comme la gerbe d’un feu d’artifice. Qu’on se figure une cornue chargée d’un liquide, en ébullition et animée par une soufflerie énergique ; le travail intérieur se trahit au dehors par des phénomènes qui en attestent l’intensité : des langues de flammes couronnent le goulot ouvert de l’appareil, et des escarbilles lumineuses s’en détachent par milliers. C’est le travail d’élimination qui s’opère, le premier acte de l’opération. Il s’agit de délivrer la fonte des impuretés. et des corps réfractaires qu’elle peut renfermer. Malheureusement ce sont, moins les élémens nuisibles que les élémens utiles qui s’en vont, le carbone entre autres, dont il faut, sous peine d’échec, réparer immédiatement les pertes, C’est le second acte du traitement ; on va réintégrer dans l’appareil en dose déterminée ce carbone qui s’en est évaporé en excès et un peu à l’aventure. Pour cela, on a préparé dans un four à réverbère une addition de fontes d’excellente qualité, ordinairement des fontes spéculaires au bois, qu’on verse dans le bain en traitement pour en relever l’amalgame. Après cette restitution, on imprime à la cornue un balancement, et par un jeu de bascule on l’incline vers les moules préparés pour en recevoir le contenu : c’est le dernier acte ; l’acier Bessemer est fait.

Évidemment c’est là une découverte restée à mi-chemin et dont les phénomènes devront être étudiés d’une manière plus rigoureuse. Tant qu’on ne pourra reconnaître à un signe certain le moment où le bain métallique est saturé de carbone au degré voulu pour produire de l’acier, on n’aura dans les mains qu’un instrument d’empirisme. Cet appareil, qui dévore inconsidérément ce qu’ensuite on est obligé de lui rendre, présente à l’esprit quelque chose de barbare, et, ce qui est un défaut grave, il ne conserve sa haute température qu’aux dépens du fer dont il est rempli et qu’il convertit en combustible. De là d’énormes déchets qui varient de 15 à 50 pour 100 et qui portent sur une matière valant 130 francs la tonne, tandis que le charbon n’en eût coûté que 15 ou 20. Le procédé avait fait en outre une promesse qu’il n’a pas tenue, c’est d’être applicable à toutes les espèces de fonte. Devant celles qui contiennent du soufre et surtout du phosphore, l’impuissance de l’appareil a été démontrée, même en poussant les choses jusqu’à une décarburation complète. Il en devait être ainsi dans l’ordre des réactions chimiques ; les machines soufflantes, ne pouvaient suffire