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complexes ; c’est la partie de la science qu’il possède. Celle qui lui échappe et lui échappera toujours, c’est l’arrangement moléculaire de ces corps simples, l’un des mystères de la création. Le chimiste connaît la nature et même le nombre des atomes simples qui entrent dans un composé, il ignore comment ils y sont groupés. Que fait-il alors ? Il supplée à une loi précise par des moyens artificiels, et d’observation en observation parvient à obtenir beaucoup de produits utiles. C’est ainsi que, pour les arômes, on en est arrivé à donner le change aux odorats les plus exercés. On fabrique, jusque de l’essence de fruit, la saveur de la pomme, de l’ananas, de la poire, est imitée au point de tromper le goût. Aucune huile de toilette qu’on ne puisse accommoder ainsi et à toutes les odeurs, vanille, canelle, amande amère ; la moutarde même a son équivalent, et si l’ail venait à manquer, il serait aisément remplacé par une transformation de la glycérine. Et qu’on ne regarde pas cette reproduction du parfum des fruits comme un fait scientifique sans application. Ces essences artificielles sont en Angleterre et en Allemagne l’objet d’une fabrication industrielle, et beaucoup d’articles de confiserie n’ont que cette saveur d’emprunt.

Pour les couleurs, le degré d’importance s’élève de beaucoup ; il s’y est fait depuis sept ans une révolution qui mérite d’être racontée. On sait de quel intérêt est pour l’industrie la recherche des substances colorantes : toute acquisition nouvelle est accueillie comme un événement ; il en fut ainsi, dans sa nouveauté, pour le vert de Chine, introduit à Lyon par M. Natalis Rondot. Qu’on juge de l’effet que peu de temps après a dû produire l’apparition imprévue, non pas d’une couleur, mais de trois, quatre, cinq couleurs d’un éclat incomparable. Les fleurs n’en revêtent point de plus belles, et pourtant ces couleurs provenaient d’une matière qui ne semblait guère susceptible de les fournir, la houille. Qui donc avait pu songer à les dégager de cette enveloppe impure ? Un peu tout le monde dans une suite de ricochets de laboratoire. Au début, c’est encore Faraday que l’on rencontre. En 1823, il découvre un carbure d’hydrogène dans les produits condensés du gaz de l’huile. A quoi cela pouvait-il servir ? Il eût été fort empêché de le dire. Mitscherlich, en l’obtenant par un procédé plus direct, lui donne un nouveau nom, la benzine, qu’à quelque temps de là on retrouve dans le goudron de houille, d’où on l’extrait à bas prix. Cette benzine devient alors un agent détersif, et, mêlée au nitre, sert à parfumer les savons inférieurs. Voici déjà un produit livré au commercé ; Zinn, par une réaction remarquable, le transforme en aniline y espèce d’ammoniaque composée, substance encore sans utilité. Perkins bientôt lui en trouvera une ; il entreprit sur l’aniline