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regard ; il y a là une confusion d’où les détails ne se dégagent pas avec une suffisante netteté. Ces constructions, jetées au hasard, semblent attendre que le feuillage les masque plus complètement tout en ménageant des perspectives. Telles qu’elles apparaissent, l’entassement y est trop visible, le choc des lignes trop accusé ; rien ne se profile, tout chevauche. Dans le style, c’est l’Orient qui domine ; la Perse, l’Égypte, l’Inde, y ont quelques spécimens, mais le gros se compose d’imitations byzantines si multipliées qu’on se croirait en face de la Corne d’Or ; une mosquée est là pour rendre l’illusion plus complète. En somme, tout rappellerait l’image et les croyances d’un pays turc, si à peu de distance deux églises, l’une catholique, l’autre évangélique, ne rétablissaient entre les divers cultes un équilibre rassurant.

Ces monumens en miniature sont les uns des réductions architecturales, les autres des constructions de fantaisie. La destination n’est pas toujours en rapport avec le style, témoin le pavillon de l’empereur, qui ressemble à un kiosque de sultan. Quatre fois sur cinq on tombe sur de petites installations qui n’ont d’asiatique que l’enveloppe, ici des armes et des canons, là des verrières, plus loin des plans en relief ou bien des photo-sculptures. Dans quelques locaux se trouvent rangés des morceaux d’archéologie bons à étudier, c’est le petit nombre ; les autres ne renferment guère que des sujets de déception et seraient à mettre à l’index. Ainsi, à côté des sphinx qui gardent les avenues du temple d’Edfou microscopiquement reproduit, l’exposition égyptienne nous donne le modèle réduit d’un okel, sorte d’entrepôt ou bazar arabe comme on en voit près du Caire, à Boulaq. Or que signifie un bazar sans les denrées qui le garnissent et la foule qui l’anime ? On ne l’eût compris qu’avec des marchands accroupis sur leurs établis extérieurs, plus occupés en apparence de leur pipe que de leurs affaires, et armés vis-à-vis du chaland qui passe d’un flegme bien voisin du dédain. Voilà le bazar d’Orient qu’il faut voir sur les lieux et dont aucune contrefaçon ne peut donner l’idée.

Nous voici arrivés de proche en proche sur le front principal du palais, celui qui regarde la Seine. Quel est le style du monument ? Et d’abord est-ce un monument, et ce monument a-t-il un style ? On peut se poser ces questions. Il y a vingt ans de cela, il nous est ne une école d’architecture aux débuts de laquelle beaucoup d’entre nous ont assisté. C’est l’architecture qui emploie le métal et le bois à l’exclusion de la pierre ; sa marche n’a été qu’une suite d’empiétemens. Après s’être contentée longtemps de quelques ponts et de quelques faîtages, elle a fini par s’introduire partout où l’économie dans le premier coût importe plus que les conditions de