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toute affaire relative à l’Asie centrale. Nadjimit en référa à l’émir, qui envoya alors au général Tchernaïef (remplaçant le lieutenant-général Krijanovski) un de ses confidens, un certain Hiram-Khodja, chargé de se plaindre que son ambassade au tsar blanc (ak tsar) eût été indûment retenue sur le Syr, et, pour preuve de ses bonnes dispositions, demandant l’envoi à Bokhara d’une mission russe en retour de celles qu’il avait lui-même dirigées sur Pétersbourg. Le général russe, pleinement convaincu de sa bonne foi, chargea un des représentans les plus illustres de la science officielle, l’astronome Struve, alors en mission scientifique à Turkestan, d’aller, accompagné de trois officiers, porter verbalement à l’émir des assurances pacifiques et régler les difficultés pendantes sur la frontière. Les envoyés, à peine arrivés à Bokhara, furent brutalement jetés en prison. La conduite subséquente de l’émir autorise à penser que cette violence fut préméditée, et qu’il voulait garder les envoyés russes comme otages jusqu’à ce que son agent fût autorisé à se rendre à Pétersbourg. Quoi qu’il en soit, ce calcul fut déjoué par le général Tchernaïef, qui réclama la mise en liberté sans condition de ses agens, et, pour appuyer sa réclamation, il passa le Syr à Tchinaz le 11 février 1866 à la tête d’un petit corps de deux mille hommes pourvus de seize pièces de canon. Il marchait droit sur Samarkande à travers une steppe absolument dépourvue d’eau qui ne finissait qu’à la frontière boukhare.

Tout ce pays est si mal connu, et les cartes les plus détaillées (sans en excepter les publications de la société géographique de Russie) sont tellement vagues et incohérentes qu’il est très difficile de suivre l’itinéraire du général tel qu’il a été officiellement publié. D’après les cartes, la route de Tchinaz à Samarkande passe par les petites villes de Naou, Oratupa, Zamin et Djizak, les deux dernières appartenant à la Boukharie. Si, pour tourner les villes fortifiées de Naou et Oratupa, le corps expéditionnaire a un peu tiré sur la droite, il a dû, toujours dans l’hypothèse où les cartes ne seraient pas absolument fantastiques, traverser au nord-ouest d’Oratupa la rivière assez importante d’Alti-Œli- (les six sources), qui se perd dans les sables non loin de Zamin. Le rapport du général Tchernaïef dit pourtant en propres termes qu’on ne trouva d’eau qu’à Djizak, où l’on arriva le 17 en sept marches forcées. Le général profita même de cette pénurie pour répondre par une fin de non-recevoir à un message qu’il reçut de l’émir le 12 au soir, message qui l’invitait à suspendre sa marche en lui promettant la mise en liberté de M. Struve et de ses compagnons. Se défiant à bon droit de la loyauté de Mozaffer, le général répondit verbalement qu’il ne pouvait s’arrêter au beau milieu de la steppe et qu’il ne