habileté extraordinaire ; M. Carrier-Belleuse est incontestablement un praticien de premier ordre ; il ne néglige aucun détail et se plaît à rendre dans toute leur gracieuse minutie les mille inflexions de la chair ; il interprète la vie d’aussi près que possible et donne au marbre des frissonnemens d’épiderme. La place de Pradier est vide depuis sa mort, ne serait-elle pas réservée à M. Carrier-Belleuse ? En regard de ce groupe et comme en opposition, il en expose un autre d’un genre et d’une facture absolument différens. Le Messie représente la Vierge assise, drapée tout entière, baissant les yeux et élevant au-dessus de sa tête le bambino, qui tend ses mains bénissantes. C’est une large étude de draperie, à laquelle on pourrait reprocher quelque mollesse d’exécution, mais qui est d’une composition savante et d’une forte ampleur. Cela remet en mémoire la grande madone peinte par Carlo Maratta à Monte-Cavallo, avec plus de finesse dans l’exécution et moins de lourdeur dans l’ensemble. Ces deux groupes, qui montrent le talent de l’artiste sous deux faces distinctes, font grand honneur à M. Carrier-Belleuse, et suffisent à donner à la sculpture du Salon de 1867 une importance qu’il est juste de signaler.
Les salles réservées à la peinture offrent toujours le même aspect ; rien n’y paraît sérieusement modifié depuis quelques années. La grande peinture s’en va, elle semble ne plus appartenir à nos mœurs rapides et factices ; elle est remplacée par le genre, où l’on retrouve du moins, à défaut de hautes et belles qualités, une sorte d’intimité qui peut attirer et retenir l’attention pendant quelques instans. Parfois cette intimité est, il est vrai, poussée trop loin, et franchit certaines limites qu’il serait de bon goût de ne point dépasser. Il peut être singulier de montrer un homme, demi-vêtu, faisant sa barbe devant une glace ; mais, si sur la toilette on place intentionnellement et en évidence un meuble familier qui appartient à l’arsenal de M. Purgon, on a fait une charge d’un goût douteux et non point un tableau digne des honneurs de la cimaise. Ces plaisanteries, qui n’appartiennent à l’art par aucun côté et qui semblent une réminiscence des plus mauvais jours de M. Biard, ne sont vraiment pas intéressantes. On pourrait les excuser et en rire, si le peintre avait su en faire un chef-d’œuvre ; mais nous sommes loin de là, et ces sortes de choses, devraient rester à l’atelier pour n’en jamais sortir. L’absence d’imagination est flagrante, et sous ce rapport la peinture n’a rien à envier à la sculpture. Les mêmes artistes se traînent sur la route où déjà nous les voyons depuis si longtemps ; ils reproduisent de nouveau les sujets qu’ils ont déjà