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base solide, si le fermier n’est pas en mesure de fournir le cheptel et le fonds de roulement.

Pour des métayers comme ceux du Périgord, de pareilles questions de chiffres n’ont point une signification sérieuse. Que sert d’exiger un peu moins ou un peu plus, dès qu’on s’adresse à des individus qui n’ont rien, rien qu’un mobilier chétif, presque toujours insuffisant pour les besoins de la famille ? Aussi les rares exemples de transformation du métayage en fermage qui ont pu se produire là-bas n’ont-ils qu’un caractère tout individuel et tout exceptionnel. Parfois même la durée n’en a été qu’éphémère. J’ai vu sur le domaine de Montaigne un métayer qui, poussé, et aidé par le propriétaire, était devenu fermier, mais à la première secousse, c’est-à-dire à la première année médiocre, il était accouru pour demander à résilier son bail et à reprendre son premier état.

Les partisans trop exclusifs du bail à ferme, et il y en a, prétendront peut-être qu’avec l’insuffisance des éléments existans dans la contrée on devrait prendre des fermiers au dehors, dans les régions où le fermage donne les meilleurs résultats. J’avoue que, si l’on n’avait à peupler que quelques métairies, le conseil serait peut-être spécieux : mais non, c’est la population rurale tout entière qu’il faudrait, remplacer. Quels cultivateurs un peu réfléchis, un peu expérimentés consentiraient à venir aventurer leurs capitaux sur une terre qu’ils ne connaissent point, où ils ne trouveraient que des auxiliaires ayant des mœurs héréditaires, une routine invétérée en opposition flagrante avec les innovations tentées, et dont ils ne comprendraient pas même le patois habituel ? L’hypothèse ne soutient pas un moment d’examen.

Reste, pour prendre la place du métayage, le mode de la culture directe par le propriétaire. C’est à coup sûr un mode très productif, pourvu que le propriétaire soit lui-même un cultivateur de naissance, d’habitudes et de profession. Hors de cette hypothèse, les objections arrivent en foule. Qu’on puisse citer quelques exemples favorables, c’est positif. Il y en a çà et là dans toutes les régions de la France, et dans le Périgord comme ailleurs. En les examinant de près néanmoins, on reconnaît bien vite qu’ils tiennent à des circonstances particulières, plus ou moins difficiles à rencontrer. Ici encore le fait demeure une exception. Si j’ouvre, par exemple, les derniers rapports relatifs, aux primes départementales de la Dordogne décernées à de gros propriétaires, j’y vois tel lauréat signalé comme tirant un excellent parti du domaine qu’il exploite lui-même ; mais à quelles conditions les résultats récompensés ont-ils été obtenus ? Principalement à la condition de développer les prairies et les bois et de réduire l’étendue des terres arables. C’est qu’en effet l’exploitation directe est surtout difficile dans l’agriculture proprement dite,