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une égale ardeur dans le travail, un goût marqué pour des efforts soutenus, aujourd’hui indispensables au succès, nous en avons déjà fait l’aveu. Aussi est-il à propos d’exalter les avantages de ces qualités sur cette terre du Périgord si favorisée de la nature, et qui ne demande qu’à livrer tout ce qu’elle porte en elle de richesses. Il faut sans doute dans la vie accorder aux distractions une certaine place, mais il y a là une question de mesure qui s’impose à toutes les consciences et à tous les intérêts. L’homme n’est pas né pour le repos ; la nature n’est propice qu’à ceux qui l’attaquent avec une énergique persévérance. Rappeler la loi du travail, c’est enseigner l’essentielle condition du bien-être et de l’indépendance de l’individu, du progrès moral et matériel pour tous. C’est indiquer le point de départ solide et sûr des réformes à réaliser dans le métayage périgourdin, dont nous avons montré l’influence quelque peu énervante sur la population rurale, et dont il convient maintenant d’étudier les traditions et le mécanisme.


II

Dans la destinée des cultivateurs, en la prenant seulement depuis le moyen âge, le métayage a marqué un pas vers la liberté : il a été un réel affranchissement. Du servage au métayage, qui lui succède, et même alors qu’il en garde encore l’empreinte, la progression est manifeste. Dans le Périgord comme dans la plupart des pays circonvoisins, le servage s’était, perpétué plus longtemps ou du moins d’une façon plus générale qu’en aucune autre région de la France. Ce n’est qu’après le renversement de la puissance anglaise en Guienne qu’il commence à se transformer : première raison pour qu’il se ressente ici plus qu’ailleurs de son origine, et y doive éprouver plus de peine à se métamorphoser.

La nature du sol dans ces contrées concourt d’ailleurs à y expliquer la lenteur de toute révolution agricole. Fréquemment divisée par des aspérités topographiques, la terre se prête peu à la grande culture. Qu’elles appartiennent à un seul propriétaire ou à plusieurs, les exploitations sont toujours extrêmement fractionnées entre les mains du paysan qui les cultive, et qui ne peut porter sa vigilance et ses soins que sur un sol d’une modique étendue. Nous ne sommes point ici dans les vastes plaines de la Flandre et de l’Ile-de-France. Le sol du pays de Michel Montaigne, naturellement raboteux, montueux, lourd à remuer, exclut l’expéditif emploi de la race chevaline, et nécessite celui de la race bovine, dont la marche lente ne saurait franchir chaque jour de grands espaces pour s’en aller au loin traîner la charrue. Des unités agricoles aussi