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ses vins, le Périgord, qui n’avait eu longtemps que la clientèle des départemens les plus voisins du centre de la France, gagne chaque jour du terrain du côté de Paris et des localités de l’ouest et du nord-ouest. Les vins blancs de Bergerac s’enlèvent aujourd’hui aussitôt après la récolte pour être débités comme vin nouveau ou vin doux. La culture de la vigne, la plus productive de toutes, ne demande qu’à se développer sur un sol qui lui convient à merveille, et qui peut d’ailleurs convenir également à des cultures industrielles plus rémunératrices que celle du blé. Observation analogue pour l’élevage du bétail, susceptible d’un incalculable accroissement, grâce aux marchés de Paris et de divers grands centres de population dans le midi. Quant aux produits de basse-cour, aux légumes et aux fruits, on ne paraît pas soupçonner l’étendue des profits qu’on en pourrait tirer. Il ne faudrait pourtant que quelques efforts, quelques perfectionnemens dans la culture, quelques changemens peut-être dans les espèces pour élargir notablement la place si étroite qu’occupe cette région dans l’approvisionnement de la capitale. On n’a qu’à consulter et à suivre l’exemple d’autres provinces bien moins favorablement placées que le Périgord. Ces perspectives s’ouvrent d’elles-mêmes avec l’état actuel des voies de communication, si notablement amélioré depuis une trentaine d’années, et qui était resté, durant plus de trois siècles, tel ou peu s’en faut que l’avait vu l’auteur des Essais[1].

Grâce aux chemins de fer qui traversent la contrée de part en part, de l’est à l’ouest et du nord au sud, et qui n’attendent plus que quelques complémens, rien n’est plus aisé désormais que de se rendre au manoir de Michel Montaigne. On quitte à Libourne le chemin de fer de Paris à Bordeaux pour prendre une route très commode, tracée presque en ligne droite près de la Dordogne. On la suit jusqu’au village de La Mothe-Montravel en traversant l’élégante petite cité de Castillon, où la puissance anglaise en Guienne a reçu le dernier coup en 1453, quatre-vingts ans avant la naissance de Montaigne. On laisse à quelques pas sur la droite la tombe de Talbot, ce héros légendaire, si diversement traité par la fortune et à qui pourtant elle parut vouloir épargner la douleur de

  1. Le département de la Dordogne a fini presque entièrement le réseau de ses routes départementales et de ses chemins de grande communication, et fortement avancé l’exécution de ses chemins d’intérêt commun. D’après un remarquable rapport de l’ingénieur en cher, M. Gonnaud, sur l’établissement des chemins de fer départementaux, il possède 1,024 kilomètres de routes départementales, 1,546 kilomètres de chemins de grande communication, 904 kilomètres de chemins d’intérêt commun, sans parler de 360 kilomètres de routes impériales, 338 kilomètres de voies navigables et 259 kilomètres de chemins de fer en exploitation.