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et de Baccarat, des hommes de la campagne qui demeurent à plusieurs kilomètres de la fabrique et se livrent par conséquent à un exercice salutaire au sortir de l’atelier ; occuper les, mêmes individus tour à tour à des manipulations pernicieuses et à celles qui sont inoffensives, veiller à ce qu’ils aient en tout temps une nourriture fortifiante, voilà des prescriptions bien simples, et cependant il n’en a pas fallu davantage à des patrons intelligens pour transformer radicalement certaines industries qui avaient la triste réputation de décimer la population ouvrière.

En définitive, il n’y a guère d’industries qui soient encore meurtrières pour le personnel qu’elles emploient, et l’on serait mal venu de répéter aujourd’hui les malédictions que des philanthropes adressaient, il y a cinquante ans, à diverses catégories de manufactures, Les ateliers les plus insalubres ont été assainis, tantôt par des soins hygiéniques, tantôt par les progrès de la science. Les grandes-usines de création récente se distinguent en particulier par l’heureuse application qu’on a faite des nouvelles méthodes propres à combattre l’infection, et il est très remarquable que ces perfectionnerons ont toujours été accompagnés d’un progrès industriel très sensible. Si l’on veut trouver, des ouvriers à plaindre, il faut aller dans les petits ateliers. Les fabricans qui n’occupent que trois ou quatre auxiliaires dans un local qui est le plus souvent trop exigu ne savent pas ou ne peuvent pas réaliser les améliorations sanitaires auxquelles des usines plus importantes se conforment sans peine.

Examinons l’état actuel de quelques-unes des industries qui passaient jadis pour être les plus nuisibles. La céruse, dont la peinture à l’huile consomme des quantités prodigieuses, était l’un des produits chimiques les plus funestes ; grâce à d’heureux perfectionnemens, la fabrication en est devenue presque inoffensive. À Tours, à Lille, a Paris, on cite des usines qui livrent chaque année au commerce 2 millions de kilogrammes de cette substance sans que leur personnel soit jamais atteint de coliques saturnines, ce qui est dû en grande-partie à des soins de propreté. La confection des allumettes phosphoriques exige plusieurs opérations très dangereuses, le trempage des paquets dans la pâte inflammable et la mise en boîtes des allumettes fabriquées. Dans la première opération, l’ouvrier respire sans cesse des vapeurs phosphorées, et dans la seconde, confiée à des femmes, il se produit fréquemment des combustions spontanées qui font de cruelles blessures aux mains. On y remédie en remplaçant la main-d’œuvre humaine par des machines[1]. La coutellerie comprend un ouvrage d’une

  1. L’amélioration la plus considérable dont cette industrie soit susceptible consiste en la substitution du phosphore amorphe au phosphore ordinaire. On connaît ces nouvelles allumettes, dont la fabrication et l’usage sont presque sans danger. Elles sont peu répandues, parce que la préparation en est encore, on doit l’avouer, assez imparfaite : l’humidité les altère ; mais des perfectionnomens graduels permettront sans aucun doute d’en étendre l’emploi. C’est aussi une question de mœurs et d’habitudes que le temps seul peut résoudre.