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conditions de l’ancienne confédération germanique, la Prusse devait évacuer la forteresse sans qu’il en coûtât rien à son honneur ; l’abandon de cette position offensive longtemps occupée par une grande puissance devait satisfaire pleinement la France. Le bon vouloir de la France et de la Prusse ainsi défini rendait un arrangement facile. Une seule chose était nécessaire, c’est que les bonnes dispositions de ces deux grands états fussent rapprochées et réunies par un intermédiaire amical qui épargnât à chacun d’eux l’ennui des premières avances et les froissemens du contact direct. L’intermédiaire n’a point fait défaut : ce n’a été rien moins que l’Europe neutre elle-même, ayant à sa tête l’Angleterre, l’Autriche, la Russie, l’Italie. Dès que ce haut arbitrage a eu pris l’affaire en main, la paix a été assurée. Trois séances de conférences ont suffi pour tout terminer et pour ramener le calme définitif.

Après nous être félicités d’un si heureux résultat, notre premier devoir à nous autres Français devrait être d’étudier les enseignemens qui ressortent de l’expérience que nous venons de faire, et de prendre des résolutions de conduite politique conformes à ces enseignemens. la perspective d’un conflit soudain avec l’Allemagne prussienne a produit parmi nous une émotion que nous ne devons point oublier. Exclus de toute participation à la direction de notre politique extérieure, la guerre nous est apparue un instant comme un fait imminent qui allait nous emporter dans sa fatalité sans que nous en eussions connu et délibéré les causes, sans que nous en eussions accepté les chances avec une volonté réfléchie. Les fâcheux effets de cette terrible surprise ont été trop visibles pour que nous ayons besoin de les signaler : ils se sont surtout montrés dans la vie économique du pays ; d’énormes dépréciations ont frappé toutes les valeurs ; l’esprit d’entreprise s’est subitement immobilisé ; la nation semblait en proie à une sorte de fatalisme fébrile. Demandons-nous de bonne foi si de pareils accidens sont compatibles avec l’esprit de notre époque, avec ses aspirations, ses lumières, ses intérêts, ses sentimens d’humanité, et cette noble ambition qu’elle a d’introduire dans le gouvernement des hommes la règle et l’exactitude scientifiques, Demandons-nous surtout s’il nous est permis de demeurer exposés par négligence, par paresse, par préjugés, par lâcheté d’âme, au retour des hasards que nous venons de courir. Après les anxiétés déchirantes que nous avons éprouvées, nous est-il permis de rester indifférens et insensibles aux conditions dans lesquelles se trouve placée chez nous la direction de la politique étrangère ? Certes, depuis cinq années, les œuvres de notre politique étrangère nous ont apporté des leçons bien capables de frapper et d’instruire une cation intelligente et fière. La facilité avec laquelle la France a supporté les mésaventures continues de cette politique, rend un témoignage de la vitalité de notre pays et de ses ressources prodigieuses ; mais est-il possible, sans se rendre coupable d’une impardonnable témérité, de continuer à braver avec la même insouciance les mêmes